United Colors of Crime de Richard Morgiève

Pour ceux qui aiment: Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme de Cormac McCarthy

1951: Chaim Chlebeck, fossoyeur de la mafia new-yorkaise, s'enfuit au Texas après avoir éliminé Bobby 5 As, un mafiosi d'un clan adverse, et emporté avec lui une mallette remplie de dollars que ce dernier transportait. La sanction survient cependant des mains de voyous mexicains, qui le laissent défiguré et à moitié mort au milieu du désert. Chaim est alors recueilli par un étrange couple formé de Dirk, un scientifique allemand exilé avant la guerre, et d'une jeune indienne borgne. 

Qu'il est difficile de résumer United Colors of Crime, le dernier livre de Richard Morgiève. Comment rendre compte de cette histoire au rythme soutenu, mettant en scène une galerie de personnages aussi riche que complexe, et consistant en un mélange surprenant de genres littéraires? 

United Colors of Crime, c'est d'abord l'histoire d'une résurrection et de rédemption: Chaim, déjà "mort" une première fois pendant la guerre sur les pentes de Monte Cassino, reconverti en mafiosi new-yorkais en pleine montée du maccarthysme, puis tueur en cavale, va se voir offrir le choix d'une troisième vie, dans un décor digne d'un western. 

C'est aussi une série de personnages étonnante, entre un shérif désabusé, un infirme francophile, des espions communistes revanchards, un sorcier indien, un mafiosi sous thérapie, une momie abandonnée au milieu du désert et j'en passe. 

Un mélange détonnant donc mais qui ne tombe jamais dans la caricature ou l'absurde. Richard Morgiève décrit aussi bien la condition indienne dans une Amérique triomphante mais corrompue et l'opposition entre ville et désert, deux mondes toutefois aussi impitoyables l'un que l'autre. Une histoire de passion et de vengeance à la fois violente et sentimentale.

Enfin, United Colors of Crime c'est un style abrupte et rythmé:

"On ne comprend jamais l'histoire d'un autre, songe Chaim, on écoute en vain pour parler à son tour et n'être pas plus entendu. La vie est un conte mais qui vit l'oublie, seuls les morts se remémorent les pages les plus captivantes des fables qu'ils on illustrées." p.42

"Il était devenu un fidèle de la consommation de masse. Produire/acheter/mourir. Il collaborait comme tout le monde, pas besoin de lever la main et de dire "Heil, Hitler!" Il suffisait d'avoir un compte en banque. Plus tard, il s'était acheté une cravate chic pour se nouer à la Grande Lâcheté, être tenu en laisse par le Libre-Échange, auquel, contre de l'argent, il avait vendu son libre-arbitre." p.93

Un récit étrange et hétéroclite qu'on lit en un seul souffle. Une intrigue relativement complexe dont certains détails m'échapperont probablement au fil des mois, mais l'impression de maîtrise du récit ressentie à la lecture de ce roman restera certainement. 

1951, la guerre froide, le mccarthysme et les rouges, l'amour et la vengeance, en avoir ou pas : United Colors of Crime n'est pas une publicité pour la mafia, c'est l'histoire vraie de Chaim Chlebeck, alias Ryszard Morgiewicz. Dandy qui dégaine trop vite, Chaim se retrouve en cavale au Texas, dans un décor de western : Indiens, shérifs, voyous, tueurs maîtres-chanteurs et momie, morts en tout genre. Entre fiction et réalité, United Colors of Crime mêle aventure, amour et politique à un rythme infernal.

Déjà auteur d une trentaine de romans, dont Un petit homme de dos et Vertig (Prix Wepler 2005), Richard Morgiève s'est aperçu en 2009 qu'il avait perdu, en cours de route, son identité. En ouvrant un tiroir, il a retrouvé son acte de naissance. Il était né Morgiewicz, comme cet oncle supposé mort à Monte Cassino, qui lui a inspiré Chaim. United Colors of Crime est un voyage littéraire et romanesque vers ces origines oubliées.

Je remercie Carnets Nord pour l'envoi de ce livre et ce surprenant moment de lecture. Bravo aussi pour cette magnifique couverture. 

MORGIÈVE Richard, United Colors of Crime, ed. Carnets Nord, janvier 2012, 320p. 

Commentaires

  1. Je ne connais pas du tout, mais je sens qu'il va falloir que j'allonge encore ma liste de lecture ! ;-)

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  2. "Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme", je n'ai pas dépassé la page 40. Alors je passe ce titre.

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  3. @Kathel: Vraiment une lecture étonnante, à part. J'espère qu'il croisera ta route.

    @Alex: Argh, j'hésite toujours à supprimer cette comparaison au début de mes billets car elle peut vraiment être à double tranchant. Le style de Morgiève n'a rien à voir avec MacCarthy, c'est plus une ambiance un peu noir de Texas rempli de voyous qui m'a fait rapprocher les deux textes. Par contre, United Colors of Crime n'est au final pas aussi sombre, il y a même une belle histoire d'amour... J'espère que tu lui laisseras quand même une chance.

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  4. J'ai aimé No country for old men en film mais je ne raffole pas des romans de Cormac MacCarthy (et pourtant, j'en ai lu au moins 4 !). Du coup, j'hésite un peu pour celui-ci ... pour une prise de risque minimum, ce devra être un emprunt à la biblio !

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  5. @Joelle: Si tu as aimé l'ambiance du film, tu pourrais aimer ce livre. Le style de Morgiève est très différent de celui de MacCarthy. Une fois encore, j'ai fait ce lien plus en raison de l'ambiance que du style de l'auteur. Mais la biblio, pourquoi pas....

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