Dans les geôles de Sibérie de Yoann Barbereau
Difficile de définir le premier livre de Yoann Barbereau: en partie témoignage, en partie réquisitoire, en partie acte de défense et en partie vengeance écrite et dénonciatrice. Je ressors de cette lecture un peu confuse, en ayant éprouvé à la fois la haine de l'auteur pour les autorités russes mais aussi un amour pour sa culture et sa littérature. J'ai aimé les parallèles faits par l'auteur entre son quotidien et les grands auteurs russes et en même temps, j'ai trouvé que certains passages sonnaient un peu prétentieux.
Cette ambiguïté se retrouve dans tout le livre en fait. J'ai suivi avec grand intérêt ses mésaventures, impatiente de savoir comment il allait s'en sortir, sans toutefois sympathiser et embarquer dans son récit. Il y a pour moi un petit quelque chose d'insaisissable dans ce livre, comme des non-dits, des choses laissées dans l'ombre. L'auteur se présente dès le début comme une victime, probablement légitimement, mais sans donner toutefois au lecteur tous les éléments pour en juger. Il y a probablement des éléments qui ne peuvent pas être révélés ici, mais l'ensemble m'a quand même donné l'impression d'être captive d'une version de l'histoire que l'on voulait bien partager avec moi.
J'ai trouvé étonnant que ce livre face partie de la sélection des Rendez-vous du Premier Roman. Peut-on vraiment parler de roman, d'acte littéraire? Encore cette ambiguïté qui relate des faits réels mais en tournant cela sous forme un peu lyrique. Qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui est exagéré, qu'est-ce qui nous est caché?
Au final, si j'ai lu avec intérêt ce livre, je ne peux pas dire que je l'ai apprécié. Yoann Barbereau a clairement une riche culture littéraire et de vastes connaissances de la Russie mais je ne suis pas convaincue que cela fasse de lui un grand écrivain en considérant uniquement ce premier roman.
La scène se joue non loin du lac Baïkal, où je vis, où j'aime, à Irkoutsk, capitale de la Sibérie orientale. Des hommes cagoulés surgissent, c'est le matin. Ma fille crie. Elle a cinq ans. Je suis arrêté sous ses yeux, frappé ensuite avec science, interrogé, mais surtout accusé d'un crime ignominieux. Dans l'ombre, des hommes ont enclenché une mécanique de destruction, grossière et implacable, elle porte un nom inventé par le KGB : kompromat. On me promet quinze années de camp à régime sévère. L'histoire de mes évasions peut commencer. C'est un film, et ce n'en est pas un. C'est un roman, et ce n'en est pas un. Je n'ai rien inventé. Ce qui importe, c'est le moment où la littérature rend la vie plus intéressante que la littérature, ce qu'il faut, c'est l'attraper comme on attrape un poignard. La meute lancée à mes trousses craignait que tout finisse dans un livre. Le voilà.
BARBEREAU Yoann, Dans les geôles de Sibérie, ed. Stock, juin 2020, 323p.
Dejà repéré, ça a l'air mystérieux, mais je peux tenter!
RépondreSupprimerIl y a un côté ode au Baïkal et amour des auteurs russes qui devrait te plaire. Pour le reste, je serais très très curieuse d'avoir ton avis ;-)
SupprimerCoucou Zarline,
RépondreSupprimerIl a rejoint ma pile depuis sa (récente) sortie poche, et je trouve ton avis très intéressant. Il m'est arrivé à plusieurs reprises cette "dichotomie" entre l'intérêt que présente le propos d'un récit, et les limites de sa valeur littéraire.
Bonne semaine.
C'est d'autant plus gênant quand le flou entre récit et roman est entretenu. Dans un vrai témoignage, le style m'importe moins alors que là, on sent que l'auteur a voulu en faire un objet littéraire aussi. En tous cas, très curieuse de connaitre ton avis.
SupprimerRepéré mais pas dans mes priorités... On peut passer outre l'aspect littéraire (ou non) si le témoignage est intéressant, mais de plus en plus la limite est floue entre les genres (flou entretenu par les éditeurs ?) et si en plus, tu as l'impression que ce n'est qu'une partie des faits, ça devient gênant.
RépondreSupprimerC'est exactement cela. Au final, c'est ce sentiment d'avoir été un peu dupée qui me reste. Ni roman, ni témoignage, ni résumé des faits, ni fiction inspirée par... Pas sûre de ce que j'ai lu exactement, mais je ne qualifierais pas cela de bon premier roman.
SupprimerJe l'ai beaucoup aimé, ce livre. Un témoignage accablant sur la Russie ! Et tant de questions aussi....
RépondreSupprimerL'histoire est en effet passionnante et 'flippante'. Mais justement, tant de questions sans réponse, ça m'a gênée au final.
SupprimerPlutôt un roman qu'un témoignage, alors ?
RépondreSupprimerRhaa difficile à dire. Un témoignage un peu lyrique, genre du Romain Gary autobiographique avec anecdotes améliorées mais sans la prose et le talent de ce dernier?
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