Raven Girl d'Audrey Niffenegger et son adaptation par le Royal Ballet



Pour ceux qui aiment : Les contes macabres d’Edgar Allan Poe illustrés par Benjamin Lacombe 

Il était une fois, un postier qui tomba amoureux d’un corbeau. De leur amour naquit une petit fille-corbeau. Enfermée dans un corps humain alors qu’elle rêve de s’envoler et de vivre parmi les oiseaux, la fille-corbeau va s’enfuir et pousser son rêve jusqu’à la transformation extrême. 

Raven Girl est un conte gothique moderne, écrit et illustré par Audrey Niffenegger. Il faut savoir qu’Audrey Niffenegger a commencé sa carrière en tant qu’artiste/illustratrice, formée à la School of the Art Institute de Chicago et que The time traveller’s wife, son premier roman et bestseller, avait été pensé, à l’origine, comme un roman graphique. L’auteur réunit donc ici ses deux talents d’écriture et d’illustration. 

Illustré à la manière d’un album, avec des jolies polices et de courts paragraphes sur chaque page, Raven Girl est cependant loin d’être un album jeunesse. L’histoire est sombre et aborde des thématiques plutôt lourdes comme le mal-être lié à son corps ou le recours à la chirurgie afin de modifier son apparence. J’ai lu dans une interview de l’auteur qu’elle avait beaucoup pensé aux personnes transgenres et aux opérations de changement de sexe, des thèmes qui servent un peu de base de réflexion à l’allégorie de la fille-corbeau enfermée dans un corps humain. 

Pour ma part, j’ai eu de la peine à rentrer dans cette histoire, peut-être trop fabuleuse (voire farfelue). Difficile, vous en conviendrez, de vibrer à l’évocation d’une relation amoureuse entre un postier et un corbeau. J’ai également trouvé le reste un peu macabre, tout en restant assez plat alors que dans le registre du conte, je m’attendais soit à rêver dans un monde merveilleux, soit à être complètement absorbée dans une intrigue à glacer le sang genre Poe. Tout en restant court, j’aurais voulu que les personnages et l’histoire soient mieux développés ; par exemple, je n’ai pas vraiment compris l’intérêt du jeune homme amoureux ou l'arrivée abrupte du prince. Dans l’ensemble, j’ai eu le sentiment d’une histoire écrite à la va-vite, autour d’une idée de thématiques et d’ambiance intéressante. J’ai de plus moyennement apprécié les illustrations, au trait fin, dans des tons bruns, noirs et rouges. 

Rencontre ratée ? Pas complètement, car Raven Girl est le résultat d’une collaboration entre Audrey Niffenegger et le chorégraphe Wayne McGreggor, chargé d’adapter ce conte en ballet. Il s’avère que lors d’un récent séjour à Londres dont je vous parlerai bientôt plus en détails, j’ai eu la chance d’assister à la première de ce court ballet (1h). Séduite déjà par l’idée de cette collaboration entre danse et écriture, j’ai encore davantage apprécié que cette relation soit exploitée dans le ballet même, avec par exemple des passages et illustrations du livre projetés sur un écran transparent à l’avant-scène.

J’ai trouvé judicieux les choix du chorégraphe, préférant dans l’ensemble suggérer que s’empêtrer dans des effets, comme le vol des oiseaux ou la transformation physique (dommage tout de même que la scène finale soit sans ailes). Quelques costumes et chorégraphies reproduisant plus fidèlement l’apparence ou les mouvements des oiseaux m’ont d’ailleurs moins plu. Ben oui, des humains à plumes mimant des pigeons ou autres volatiles en dansant, j’ai trouvé ça moche, voir ridicule. Une approche heureusement moins marquée pour les personnages principaux qui nous offrent de très beaux solos, duos et trios. Je pense par exemple à la jeunesse en famille de la Raven Girl, au duo final ou à l’opération, tous magnifiquement chorégraphiés et interprétés. Enfin, la musique du compositeur Gabriel Yared m’a dans l’ensemble plu, même si quelques interludes genre musique d’ambiance, m’ont fait penser à mes mauvaises années de synthétiseur ; je suis probablement trop classique dans ce domaine. 

Au final, j’aime beaucoup l’idée de combiner littérature, illustrations et danse autour de ce petit conte noir. J’ai cependant eu l’impression que la qualité de l’intrigue avait un peu été délaissée dans cette combinaison, avec pour résultat un livre un peu léger mais qui prend son envol sur scène où la forme du ballet justifie la simplicité de l’histoire (mais probablement pas son manque de crédibilité). Une initiative artistique originale et intéressante qui, prise comme un tout, s’en sort plutôt bien et nous permet de découvrir, sous chacune de ses formes, un nouvel aspect de cette fille-corbeau.


Once there was a Postman who fell in love with a Raven.

So begins the tale of a postman who encounters a fledgling raven while on the edge of his route and decides to take her home. The unlikely couple falls in love and conceives a child - an extraordinary raven girl trapped in a human body. The raven girl feels imprisoned by her arms and legs and covets wings and the ability to fly. Betwixt and between, she reluctantly grows into a young woman, until one day she meets an unorthodox doctor who is willing to change her.

One of the world's most beloved storytellers has created a dark fairytale full of wonderment and longing. Illustrated with Audrey Niffenegger's bewitching etchings and paintings, Raven Girl explores the bounds of transformation and possibility.

Si vous êtes à Londres ce week-end, vous pouvez encore découvrir le ballet samedi 8 juin au Royal Opera House dans un programme mixte avec Symphonie in C de Bizet (pour lequel je n’ai malheureusement pas pu rester).

NIFFENEGGER Audrey, Raven Girl, ed. Jonathan Cape, mai 2013, 80p. 

Raven Girl d'Audrey Niffenegger présenté par le Royal Ballet  
Chorégraphe: Wayne McGregor
Compositeur: Gabriel Yared
Avec dans les rôles principaux: Sarah Lamb, Edward Watson, Paul Kay, Thiago Soares, Olivia Cowley et Eric Underwood 
Royal Opera House, 24 mai – 8 juin 2013

Commentaires

  1. Génial ! c'est une idée très originale :)

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  2. @Sybille: J'aime moi aussi beaucoup la combinaison livre-ballet. Maintenant, je pense que la lecture du seul livre peut décevoir... Je ne sais pas si Raven Gril sera traduit en français, mais je serais curieuse de voir l'accueil qui lui serait réservé. A suivre...

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