Held (Étreintes) d'Anne Michaels
Les souvenirs de petits instants - voici probablement le fil rouge que je choisirais s'il fallait en trouver un à ce roman extrêmement poétique de quelques 200 pages faites de bribes, de courtes sections de quelques phrases à quelques paragraphes. Des instants qui survivent au passage du temps, à la vie, à la mort aussi, et entre lesquels le lecteur déambule.
L'impression finale est celle d'une grosse éprouvette qu'on secoue et qui échappe quelques étincelles de destins entrecroisés. Il y en a de très belles, comme cette anecdote sur les pulls tricotés par les femmes de marins avec une maille un peu gauche qu'elles seront seules capables de reconnaitre en cas de noyade. Ou ces passages:
To the historian, every battlefield is different; to the philosopher, every battefield is the same.
Loneliness is not emptiness but negation, with all its agonising precision, its absoluteness; exact, active; in every depth of detail, it is the inverse of love, the dark replica of love.
D'autres que j'ai trouvés plus confus, un peu pédants même:
He did not believe that the mystery at the heart of things was amorphous or vague or a discrepancy, but a place in us for something absolutely precise. He did not believe in filling that space with religion or science, but in leaving it intact; like silence, or speechlessness, or duration.
Perhaps death was Lagrangian, perhaps it could be defined by the principle of stationary action.
Asymptotic.
Mist smouldered like cremation fires in the rain.
Cela m'a parfois donné l'impression que l'auteure s'écoutait un peu divaguer. Et pourtant, on ressent tout le travail de construction derrière le roman, les liens subtiles entre les thématiques et les histoires - par exemple les similitudes entre les instants figés par la photographie et ceux gravés dans la mémoire et les souvenirs des êtres aimés, ou les différentes façons de 'tenir' quelqu'un, le 'held' du titre original.
Je me suis sentie complètement déboussolée entre ce côté très 'clever' et trop 'rêveur'. Peut-être que je me suis trop attachée à la forme du roman et que j'attendais donc une intrigue plus suivie. Peut-être qu'en acceptant de se laisser porter par ces fulgurances, en acceptant qu'on aura accès uniquement à de courtes bribes de la vie des personnages, qu'on ne saura pas toujours ni d'où ils viennent et rarement où ils vont, j'aurais plus apprécié ma lecture.
Un roman que j'ai trouvé au final trop lyrique et décousu, limite un peu perché, mais qui apparait tout de même très travaillé, comme si l'auteure avec coupé à l'extrême dans ses textes pour ne garder que certains instants clés. Cela donne sans conteste un style et une ambiance au roman, dans lequel le lecteur acceptera ou non de se laisser emporter. Pour ma part, je retenterai éventuellement un recueil de poèmes d'Anne Michaels, en sachant mieux à quoi m'attendre. Pas sûre par contre de m'embarquer dans un autre de ses romans. Quoique - il parait que Fugitive Pieces est un peu plus classique... Quelqu'un l'a lu?
MICHAELS Anne, Held, ed. McClelland & Stewart, novembre 2023, 220p.
MICHAELS Anne, Étreintes, ed. Alto, traduit (Anglais) par Dominique Fortier, septembre 2024, 212p.
Popsugar Challenge 2025 #2: Un livre que vous voulez lire à cause de la dernière phrase:
Who can say what happens when we are remembered?
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