Clandestin de Philip Caputo

Pour ceux qui aiment: Tijuana Straits de Kem Nunn

Au bord du gouffre suite au décès de sa femme, victime des attentats du 11 septembre, Gil Castle accepte l'invitation de sa cousine et quitte tout pour s'installer dans le ranch familial en Arizona, à la frontière mexicaine. Les mois passent et Gil se reconstruit peu à peu, commençant même à apprécier sa nouvelle vie simple et la nature sauvage qui l'entoure. Mais le jour où il sauve un immigré clandestin devenu mule pour un trafiquant, Gil va devoir faire face à la violence de la frontière et à une ancienne vengeance familiale.  

Construction d'un mur plus que controversé au niveau international, guerre des cartels, corruption, milices américaines "chassant" le clandestin, assassinats et violence: l'évocation de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique est loin d'une image de carte postale. Pourtant, c'est l'endroit que Gil Castle choisit pour échapper à la violence du terrorisme et au souvenir de sa femme. Dans un premier temps, les belles descriptions de la nature environnante semblent nous laisser penser que ce n'était pas un si mauvais choix. Mais le lecteur va vite plonger dans la réalité de cette région, où les clandestins pas assez rapides sont abandonnés à leur sort sans eau et où les chefs de cartels se livrent à une guerre sans merci dans laquelle les immigrés ne sont qu'une marchandise comme une autre qu'il faut parfois sacrifier. 

Philip Caputo mêle ici histoire mexicaine, histoire familiale et grande histoire avec un certain succès. J'ai particulièrement aimé les chapitres consacrés au grand-père de Gil, Ben Erskine, personnage obscur et complexe, sorte de dernier vrai cow boy de l'Ouest. La continuité entre ces chapitres se déroulant durant la première moitié du vingtième siècle et l'Amérique post-11 septembre est réussie et prend pour fil rouge la violence de cette zone sans loi. J'ai également trouvé passionnant de découvrir les différents acteurs de ce système gangréné par la corruption et d'en apprendre plus sur les différents "business" de la frontière et leur fonctionnement. 

Un contexte donc que j'ai trouvé passionnant et très bien décrit, entre nature grandiose et les plus grandes bassesses humaines. Mais, sans vraiment réussir à l'expliquer, je suis restée un peu à l'écart du récit. Les personnages sont bien construits mais ne m'ont pas vraiment accrochée; Yvonne en particulier m'a paru un peu caricaturale et son histoire personnelle enlève, à mon avis, de la force au récit. J'ai au final l'impression que Clandestin contient tous les éléments et les thématiques d'un grand roman américain, mais que la dernière petite touche magique manque pour que la sauce prenne vraiment. 

Un roman au décors décoiffant, à la fois paradis de la rédemption pour Gil et enfer de la réalité de la frontière où la violence est quotidienne. Une réalité effrayante que j'ai découvert avec un grand intérêt, mais quelque chose m'a manquée pour totalement accrocher à ce roman. 

Gil Castle, homme d'affaires new-yorkais, ne se remet pas de la disparition brutale de sa femme. Après une longue dépression, il décide de tout abandonner pour s'installer seul avec son chien en Arizona, dans une petite bicoque perdue au milieu des terres familiales, près du ranch de son cousin. Là, à quelques encablures de la frontière mexicaine, il commence peu à peu une nouvelle vie, s'enivrant le jour de la beauté des paysages, lisant Sénèque la nuit. Mais en recueillant un immigré clandestin, rescapé d'un deal de drogue ayant mal tourné, il va faire connaissance avec la face obscure de la frontière. Celle qui, depuis des générations, pèse sur sa famille. Et avec l'apparition d'Yvonne Menendez, figure haute en couleur d'un cartel mexicain, le passé et le présent ne vont pas tarder à converger vers un final étourdissant.

Philip Caputo, prix Pulitzer pour Rumeur de guerre, nous donne avec Clandestin son grand roman américain et son livre le plus poignant. Cette fresque pleine de bruit et de fureur brosse le portrait sans concession de deux grandes obsessions américaines : la violence et la frontière, à travers une passionnante méditation sur la nature, l'identité et les racines.

Les avis de Clara et Keisha sont par contre totalement enthousiastes alors n'hésitez pas à découvrir ce roman. 

Un grand merci à Olivier pour ce livre.

CAPUTO Philip, Clandestin, ed. Cherche midi, mars 2012, 733p., traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau
CAPUTO Philip, Crossers, ed. Vintage, 2009, 464p. 

Commentaires

  1. Je t'accorderai le petit bémol pour Yvonne, un peu "too much". Mais le reste, ah quel beau roman!

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  2. Je l'ai trouvé à a bibliothèque hier, j'avais envie de le lire depuis longtemps... on verra !

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  3. Noté depuis sa sortie, il n'a pas encore rejoint ma PAL. Mais il me fait toujours envie ;)

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  4. @Keisha: Ouais, no comment sur Yvonne. J'ai aimé, et je suis d'accord, c'est un beau roman mais je suis quand même assez loin du coup de coeur. Peut-être que la période assez stress à laquelle je l'ai lu n'a pas joué en sa faveur...

    @Clara: Je pense que je lirai sans problème un autre roman de l'auteur...

    @Kathel: Je pense que tu vas passer un bon moment. En fait, mon billet semble plus négatif que je le voudrais mais j'ai trouvé cette lecture un peu frustrante: on sent qu'il y a tous les éléments pour faire de Clandestin un très très bon livre et pourtant, quelque chose m'a manqué.

    @DeL: N'hésite pas, ce livre a de sérieux atouts de son côté mais...

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  5. Décoiffant ? Pourtant, cela ne se passe pas en Afrique...

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  6. @Alex: Et non pas d'Afrique dans ce livre mais une série de beaux paysages et pas mal de problèmes... D'ailleurs tu me rappelles que l'Afrique en littérature me manque. Je devrais pouvoir dénicher un ou deux romans dans ma PAL.

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