La mer d'innocence de Kishwar Desai
Pour ceux qui aiment: les enquêtes de Mma Ramotswe d'Alexander McCall Smith
Simran Singh, travailleuse sociale indienne au fort goût pour l'aventure et les enquêtes, prend quelques jours de vacances mérités avec sa fille Durga à Goa. Mais derrière les paysages paradisiaques de ses plages, Goa cache aujourd'hui une réalité bien plus sombre. C'est ce que Simran va vite découvrir, quand on lui demande de résoudre la disparition d'une adolescente britannique qui semble s'être brûlée les ailes dans cet ancien paradis hippie.
Ces dernières années, j'ai lu plusieurs articles sur Kishwar Desai et ses romans qui dénoncent les réalités sociales de l'Inde d'aujourd'hui. J'ai donc saisi l'occasion de découvrir cette troisième enquête de Simran, prenant comme décors Goa, nouvelle destination balnéaire à la mode, et le sujet au combien brûlant en Inde des viols. Publié en anglais en 2013, La mer d'innocence est en effet clairement inspiré par la révolte de l'auteur face au sort de Jyoti, l'étudiante en médecine violée dans un bus de Delhi, dont on suit l'évolution de l'affaire au fil du livre. Le roman lui est d'ailleurs dédicacé, ainsi qu'à Scarlett Keeling, une jeune britannique tuée à Goa en 2008 dans des circonstances proches de celles décrites dans le livre, "et aux milliers de femmes violées et assassinées en Inde - dans l'espoir qu'elles obtiennent justice un jour."
Il y a beaucoup de colère et de hargne dans ce livre, et on sent le désir profond de Kishwar Desai de dénoncer l'inertie de la société indienne face à la violence faite aux femmes. Dans un même temps, le lecteur découvre une ville de Goa bien loin des images peace and love des années 70's, gangrénée par les trafics de drogues et la corruption omniprésente. La mer d'innocence ressemble ainsi à un vrai plaidoyer, fortement inspiré par des faits divers réels, au dépend parfois de l'intrigue qui tourne parfois en rond. L'enquête m'a ainsi semblé un peu longuette et la résolution de l'affaire se fait au final un peu aux dépends de Simran.
Si vous cherchez un roman policier palpitant, passez donc votre chemin. Pareil si vous prévoyez des vacances à Goa (bonjour les cauchemars pré-départ). Si vous souhaitez par contre en apprendre plus sur la face sombre de l'Inde, n'hésitez pas à plonger dans les aventures de Simran Singh. Sans m'être particulièrement attachée à cette enquêtrice, je continuerai pour ma part volontiers de découvrir l'Inde d'aujourd'hui, pas toujours toute noire je précise, avec Kishwar Desai.
Goa, ancien paradis hippie, est une nouvelle destination à la mode pour les jeunes du monde entier. Sauf qu’une jeune touriste britannique y est agressée par des Indiens puis portée disparue…
Simran Singh, piquante travailleuse sociale, y passe justement ses vacances avec Durga, sa fille adoptive, quand elle reçoit une vidéo sur son téléphone portable qui va donner une tournure totalement inattendue à son séjour. Commence alors une longue enquête pleine de rebondissements, et la découverte pour le lecteur d’un Goa assez terrifiant ! Trafics de drogue, disparitions inexpliquées de touristes, meurtres, mafia… Kishwar Desai s’attache une nouvelle fois à dénoncer la violence et la corruption qui sévissent en Inde, et sa maîtrise du suspense ne fait que se confirmer !
Kishwar Desai est née en 1956 dans le Punjab (Inde) où son père était chef de la police. Elle a publié chez le même éditeur, Témoin de la nuit et Les origines de l'amour.
Je remercie Babelio et les éditions de l'Aube pour l'envoi de ce roman.
DESAI Kishwar, La mer d'innocence, ed. de l'Aube, janvier 2015, 331p., traduit de l'anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne
DESAI Kishwar, The Sea of Innocence, ed. Simon & Schuster, mai 2013, 368p.
A voir aussi absolument, si le sujet vous intéresse, India's Daughters, le reportage de la BBC sur le drame de Delhi, qui a été interdit en Inde. Une décision incompréhensible! Le documentaire dénonce bien sûr les actes atroces perpétrés par ces six hommes, mais montre également le fossé incroyable qu'il existe entre modernisation de l'Inde et le traditionalisme de sa société. Mais my god, les entretiens et la force des convictions de ces hommes, qui arrivent à justifier des actes atroces. J'en ai encore des frissons...
Très bon billet ! Je comprends que cette lecture ait pu être difficile. J'ai vu à la télévision l'interview d'un des bourreaux de cette jeune femme qui dit qu'elle a mérité de mourir (après ce viol atroce) car une femme n'a aucun droit, le viol est une chose normale et elle était dehors le soir ce qui n'est pas la place d'une femme... Bref ses propos sont tellement ignobles que je n'ai pas pu les regarder en entier.
RépondreSupprimerJe n'ai jamais été attirée par l'Inde, je n'ai jamais su mettre les mots sur la raison (des amis y sont allés à plusieurs reprises et ont adoré). Comme tu le dis le fossé est immense entre le modernisme et le traditionalisme. Enfin, je voyageais seule à une époque et j'ai appris qu'une trentaine de touristes femmes étaient violées tous les ans en Inde.. donc ça m'a clairement refroidi.
Je note le titre du livre.
L'interview que tu as vue est sûrement extrait d'India's Daughters. Cet homme et ses propos sont tout simplement terrifiants. Le reste du reportage, tout en restant choc, est moins "polémique" et essaie de comprendre comment la société indienne en est arrivée là. Je te le recommande (il sera sûrement programmé sur les chaines françaises d'ici quelque temps).
SupprimerPour l'Inde, j'ai hésité plusieurs fois à y aller mais voyageant comme toi seule ou avec des amies, j'ai toujours eu une petite appréhension. On a failli y aller avec mon mari mais même là, ce n'est plus un gage de sécurité. En même temps, il ne faut pas être paranoïaque, des milliers de touristes vont en Inde chaque année, sans rencontrer de problèmes. Nous allons régulièrement en Afrique du Sud et là...
Bon après cette lecture, je doute que Goa soit au programme pour quelques temps ;-) Mais c'est une lecture intéressante et une voix à découvrir dans la littérature indienne!
Je l'ai trouvée assez touchante cette enquêtrice, certes le roman n'est pas trépidant, mais il a quelque chose qui m'a retenu, ce lien avec la triste réalité des femmes indiennes
RépondreSupprimerJe n'ai pas particulièrement accroché au personnage de Simran. Je l'ai trouvée un peu trop naïve et sa personnalité m'a aussi semblé un peu artificielle. L'intrigue étant fortement basée autour de faits réels, je me demande si cela n'a pas empêché l'auteur de vraiment développer son intrigue et ses personnages.
SupprimerMalgré ça, je n'hésiterai pas à relire Kishwar Desai, pour la réalité qu'elle décrit.
Je l'ai repéré dans le Books hors série romans policiers, mais est-il pertinent de commencer par celui-ci ?
RépondreSupprimerA part quelques détails en tout début d'intrigue, je ne pense pas qu'il faille avoir lu les deux opus précédents pour lire celui-ci. Par contre, en lisant quelques avis, j'ai remarqué que les lecteurs ayant lu les premiers livres de Kishwar Desai les avaient généralement préférés à cette Mer d'innocence. Du coup...
Supprimeren tout cas c'est bon de lire des polars avec d'autres références que les américaines
RépondreSupprimerOui, là on est dans quelque chose de complètement différent et l'ambiance et la culture indienne sont bien présentes. Ca change!
SupprimerJe ne connais pas du tout mais me voilà tentée ! Merci.
RépondreSupprimerJe pense que l'auteur vaut la découverte. Je serais presque tentée de te conseiller ses premiers romans après lecture d'autres avis sur la blogo. Ils me semblent être plus aboutis que ce dernier titre tout en ayant tous les bons points notés dans celui-ci.
SupprimerJ'ai lu Desai l'année dernière pour le prix Elle, avec Témoin de la nuit, qui était un policier drôlement bien fichu, et très axé aussi sur la cause de la femme en Inde. Je ne sais pas comment est Simran dans la Mer d'Innocence, mais j'ai adoré son côté border-line, portée sur l'alcool et les cigarettes et vaguement cougar, mais visiblement tu ne t'es pas attachée à elle...donc elle est peut être un peu différente (ou on n'a pas les mêmes sensibilités)
RépondreSupprimerQuant au thème, je te dis franchement, ça me fait peur, parce qu'on sait que c'est l'une des gangrènes de 'Inde le viol des femmes, mais je le note quand même.
Merci pour ce chouette billet.
Simran garde ce côté cougar et buveuse de whisky dans ce dernier tome mais je pense que l'intrigue et ses réflexions paraissent un peu artificielles à cause du côté très réaliste de l'histoire. Du coup, je suis très tentée par ces précédents tomes et je serais curieuse de connaitre ton avis sur celui-ci.
SupprimerLe thème est dur, c'est clair, mais ça ne m'a pas posé trop de problème à la lecture. C'est étrange, mais tout au long du roman, j'avais l'impression que la réalité était encore plus atroce que la fiction et du coup...
Merci en tous cas pour ton avis!