Chienne de Marie-Pier Lafontaine


C'est l'histoire d'une enfance destructrice, entre un père sadique et une mère passive, ou même la solidarité fraternelle est reléguée pour des raisons de survie. C'est l'histoire d'une famille comme on aimerait jamais en lire, surtout quand l'étiquette 'autofiction' est accolée sur le quatrième de couverture. C'est de l'horreur à l'état pur, empaquetée dans 107 pages en mode dynamite. 

Je n'aurais jamais ouvert ce livre sans ma participation aux Rendez-vous du 1er Roman. J'aurais peut-être même probablement abandonné ma lecture après 10 pages si je n'avais pas le club de lecture rattaché à l'événement en tête. J'ai rarement éprouvé autant de dégoût, autant de malaise à la lecture d'un livre où chaque page est une violence, un poing dans la figure qu'on se ramasse sans crier gars. J'aurais voulu refermer ce livre, mais je me serais alors sentie comme toutes les personnes qui ont préféré ignorer les bleus d'enfants et tourner les yeux, parce que ça dérange, parce que ça fait mal. Et je me suis dit que si quelqu'un avait pu endurer même le 10ème de ce que décrit ce livre, je pouvais bien l'entendre et ME faire violence, pour une heure, bien protégée dans mon foyer et ma vie confortable. 

J'ai finalement lu Chienne d'une traite, en apnée, à la fois incapable de le lâcher et impatiente d'en être libérée. Marie-Pier Lafontaine nous retient avec ses chapitres courts comme des flashs, comme des coups de fouet, et son style incisif. Les tournures sont d'une puissance rare et la douleur tellement bien décrite qu'on souffre à chaque mot. Je n'aime pas du tout les romans où la violence est gratuite (j'avais par exemple peiné avec Fakirs d'Antonin Varenne ou certains livres de Jean Teulé) mais là, rien n'est superflu, tout est calculé pour faire de chaque passage une frappe chirurgicale qui nous va droit au cœur.

Ce que je voudrais écrire si j'en avais le courage: Toutes les fois où j'ai été ma mère. Où je suis restée muette et immobile à la vue d'un corps. Je devais me dire vaut mieux ce corps que le mien. Je porte cette faute. Et je recevrai en double les coups tout au long de ma vie. Chacun d'entre eux comme une punition méritée, un destin. Les hommes violents sont faciles à trouver.

Est-ce un grand roman? Probablement pas... Est-ce même un roman tout court d'ailleurs, ou est-ce plutôt un cri désespéré pour exister? Une vengeance, un exutoire au sens propre comme au figuré où la narratrice annonce dès le début: 

Je voudrais que ce texte décime ma famille entière.

Est-ce un livre pour tout le monde? Non et à la fois oui, pour réaliser que l'horreur est parfois juste à côté de nous. 

Je m'interroge encore sur ce que l'auteure va pouvoir écrire après un tel premier roman mais à ce stade, je ne peux que saluer le courage, la puissance et la férocité qui se dégage de celui-ci. Victime la narratrice de Chienne, assurément, mais vaincue, non!

Un uppercut: poignant et percutant!

Cette autofiction raconte une famille dans laquelle un père sadique et tout-puissant fait régner la terreur. Le projet est simple : décrire avec précision l’effroyable barbarie d’un homme qui roue sa fille de coups, qui la tient en laisse, qui la force à marcher à quatre pattes, à manger sous la table, sans que la mère s’interpose jamais.

Personne ne s’étonnera si l’enfant, devenue grande, finit par mordre.

LAFONTAINE Marie-Pier, Chienne, ed. Héliotrope, septembre 2019, 107p.

LAFONTAINE Marie-Pier, Chienne, ed. Le Nouvel Attila, septembre 2020, 128p. 

Étonnant de souligner que ce livre a reçu le prix Sade 2020. Pas sûre que cela soit vraiment de très bon goût. Qu'en pensez-vous?

Commentaires

  1. Bravo à toi pour être allé jusqu'au bout.

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    1. Il est très court et franchement, au final c'est une lecture vraiment marquante qui en vaut la peine.

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