Adieu, Torero d'Olivier Deck
En 1938, un jeune français part combattre en Espagne aux côtés des républicains pour impressionner Fanchon, la jolie fille de son village. Plongé au coeur de l'enfer de la bataille de l'Ebre, il s'enfuit mais se retrouve piégé derrière un petit muret avec un autre combattant espagnol, Cartucho. Dans la ligne de mire de l'ennemi, incapables de faire un pas sans mettre leurs vies en jeux, les deux hommes vont partager une nuit et les souvenirs d'une vie.
Bon, je vais commencer par rassurer tout le monde: le sujet principal de ce roman n'est pas la tauromachie mais les liens à la fois éphémères et extrêmement forts qui peuvent unir deux hommes en temps de guerre. Oui, il est question sur quelques pages de toreros et oui, Olivier Deck a reçu en 2005 le Prix Hemingway, un prix contre lequel des campagnes de boycott ont été lancées pour dénoncer la "glorification de la corrida" (mouais)... mais que cela ne vous retienne pas de découvrir cette nouvelle, intense et fort bien écrite.
Adieu, Torero est donc une novella de 86 pages, consistant en grande partie d'un dialogue entre le narrateur et Cartucho. A travers les événements d'une nuit, c'est toute la personnalité du narrateur qui va évoluer au contact de la peur, de la mort, et de l'intriguant Cartucho.
Ecrite d'une manière très théâtrale, j'ai beaucoup aimé cette nouvelle et la verrais très bien adaptée sur scène. L'ambiance est lourde, et l'on passe d'instants de camaraderie entre combattants à l'enfer déshumanisant de la guerre. J'ai également aimé le style d'Olivier Deck, direct, mais aux formulations poétiques, toujours très rythmé, comme les balles qui claquent autour de nos héros. Petit extrait que j'ai trouvé particulièrement réussi:
"Avec le temps qui a passé sur le cuir depuis, j'appelle ça une bande de bras cassés, un ramassis de beaux parleurs, qui croyaient que la victoire était une affaire de débat d'idées, de tirades bien foutues, de théories fumeuses. Je comprends pourquoi les Espagnols nous faisaient la gueule. Eux, c'était leur maison, leur jardin, leurs femmes et leurs enfants qu'ils défendaient. Et des idées, aussi, ça n'empêche. Mais quand un bombe explose à deux mètres de toi, la grandeur d'âme te fait pas un bouclier, tu prends tout dans la gueule et t'as plus qu'à mourir. Les têtes bien pleines sont tombées comme des grenades mûres éclatant sur le sol et semant alentour leurs pépins sanguinolents. Les belles idées étaient maintenant dans la terre où plongeaient depuis des lustres les racines des oliviers et des amandiers. Tu parles d'un fumier." p.10
Une belle longue nouvelle (ou court roman), dont la brièveté n'empêche en rien l'émotion et l'impression durable qu'elle m'a laissée. A découvrir!
1938, guerre d’Espagne. Près de l’Èbre, sous un olivier, un jeune déserteur et un torero partagent la maigre protection d’un mur de pierre contre les rafales ennemies. La mort rôde sur leur tête, au bout du fusil d’un sniper. Dans le temps de l’attente, les âmes se dénudent jusqu’à l’os.
Poète, romancier, photographe et musicien, homme de scène et de mots né en 1962 à Pau, en Béarn, Olivier Deck a été lauréat du Prix Hemingway en 2005. Il vit dans les Landes.
Je remercie Anaïs et les éditions Au diable vauvert pour l'envoi de ce livre. J'en profite pour ajouter que j'aime beaucoup ce format compact pour les nouvelles et courts romans, très facile à glisser dans un sac pour un trajet en train.
Billet publié dans le cadre du mois de la nouvelle organisé par Flo.
Billet publié dans le cadre du mois de la nouvelle organisé par Flo.
DECK Olivier, Adieu, torero, ed. Au diable vauvert, mai 2013, 86p.
Le sujet ne me parlait pas d'emblée comme ça, en lisant tes premières lignes, mais l'extrait est très parlant et ce que tu en dis par la suite aussi ! 86 pages, oui, ça devrait pouvoir se glisser dans ma LAL.:-)
RépondreSupprimerA situation exceptionnelle; homme exceptionnel.
RépondreSupprimerCordialement
Le format court et ce que tu en dis me tentent : bien, bien ! et pourtant je déteste la tauromachie.
RépondreSupprimerHum... non, désolée. Ni l'extrait (pas du tout mon style d'écriture), ni l'histoire (pas révolutionnaire), ni les idées (déjà exploitées) n'arrivent à m'accrocher. Et je ne parle même pas de la tauromachie ni même d'un prix Hemingway (je n'aime ni l'auteur ni l'homme).
RépondreSupprimerBon, on reviendra en seconde semaine quand même ;)
@A Girl: Très vite lu, en effet, et l'auteur a vraiment une jolie plume. Par contre, je crois que la plupart de ses autres écrits sont centrés sur la tauromachie, alors autant découvrir cette nouvelle qui aborde le sujet, tout en restant en surface.
RépondreSupprimer@Philisine: Je pense que les quelques extraits sur la tauromachie ne devraient pas te gêner. Et oui, ça fait parfois du bien de lire des formats courts. Je suis plongée dans le dernier E-E Schmitt depuis plusieurs semaines et j'ai besoin de souffler un peu entre-deux. Cette lecture était parfaite pour ça!
@Flo: A priori, je n'aime pas trop les styles très directs, mais là j'ai trouvé que c'était vraiment bien écrit, bien rythmé. Mais si l'extrait ne te parle pas, il est sans doute plus sage d'éviter, effectivement. Hemingway, toujours pas lu! Oui, je sais, shame on me!
J'ai fini ma deuxième nouvelle qui m'a un peu déçue. J'essaie d'en parler la semaine prochaine (ou celle d'après). Je te tiens au courant!