Sombre dimanche d'Alice Zeniter

Dans les années 70, alors que l'URSS conserve son étau sur la Hongrie, Imre grandit dans l'étrange maison au bord des rails, non loin de la gare Nyugati de Budapest, entouré de trois générations de Mandy. Alors que les trains de voyageurs passent devant leur maison, garnissant le jardin de détritus en tous genres, Imre et sa famille poursuivent leur vie monotone que seuls les grands évènements de l'Histoire semblent pouvoir troubler. En retraçant le vécu de cette maison et de ses habitants, Alice Zeniter revient sur l'histoire de la Hongrie, des années de terreur stalinienne à la grande débandade capitaliste des années 90. 

Alice Zeniter a passé presque trois ans en Hongrie et à la lecture de Sombre dimanche, on ressent l'affection qu'elle porte à ce pays, berceau d'une culture forte, qui a su résister aux assauts de l'Histoire. L'auteure nous emmène à la découverte de ses habitants, sujet obscur et pari plutôt audacieux pour une jeune romancière dont c'est ici le deuxième livre. Et pourtant, on se laisse très facilement porter par l'auteure et on s'identifie sans problème aux personnages, aux déboires d'adolescents d'Imre qui rêve de blondes Californiennes, à Agi à la volonté brisée par un amour déçu, à Kerstin, jeune allemande en quête d'aventure et d'authenticité post-soviétique, ou au grand-père d'Imre qui préfère se saouler à date régulière pour éviter de faire face au poids des secrets du passé.

Ayant visité la Hongrie il y a fort longtemps, je ne peux juger de la pertinence de chaque propos d'Alice Zeniter. Mais j'ai ressenti, au fil de cette lecture, une vraie justesse dans le propos et dans la construction des personnages. Je trouve très difficile de parler de ce livre car il ne s'y passe à la fois pas grand chose, et en même temps toute l'histoire du vingtième siècle. Sombre dimanche retrace au final la vie d'une famille insignifiante, mêlée presque par hasard aux grands évènements de l'histoire hongroise. 

Avec une plume délicate et une construction réussie entre souvenirs du passé et vie présente, Alice Zeniter a su m'emmener à la rencontre de cette famille et de la nation hongroise. Un roman empli de mélancolie et de rêves inassouvis qu'on lit pourtant avec plaisir, entre sourires et pincements au coeur. Une auteure que je garderai à l'oeil à l'avenir. 


Les Mandy habitent de génération en génération la même maison en bois posée au bord des rails près de la gare Nyugati à Budapest. Le jeune Imre grandit dans un univers mélancolique de non-dits et de secrets où Staline est toujours tenu pour responsable des malheurs de la famille. Même après l'effondrement de l'URSS, qui fait entrer dans la vie d'Imre les sex-shops, une jeune Allemande et une certaine idée de l'Ouest et d'un bonheur qui n'est pas pour lui.

Roman à la poétique singulière, tout en dégradés de lumière et de nostalgie, Sombre dimanche confirme le talent d'Alice Zeniter, révélée par Jusque dans nos bras.

Je remercie les éditions Albin Michel pour l'envoi de ce livre. 

ZENITER Alice, Sombre dimanche, ed. Albin Michel, janvier 2013, 284 p. 

Commentaires

  1. Je sors d'une vie de famille aussi, mais d'origine iranienne... celui-ci est bien tentant aussi. Ah, les envies sont innombrables !

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  2. Je connais peu la Hongrie. Sans doute une belle façon de découvrir ce pays au passé tourmenté.

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  3. @Kathel: Petit roman tout en finesse que je te recommande. Après l'Iran, un peu d'espoir de sortie de crise avec l'histoire de la Hongrie te fera peut-être du bien ;-)

    @Alex: En effet, une bonne manière de faire connaissance avec quelques aspects de ce pays. Et pourtant, Sombre dimanche est loin d'être un manuel scolaire sur l'histoire de la Hongrie. Perso, il m'a vraiment donné envie de retourner à Budapest et dans ce pays que j'avais découvert en 1990, juste à sa sortie du communisme.

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  4. je le commence tout juste, je ne vais aps lite tout de suite ton billet, pour garder du mystère !

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  5. C'est un sujet vraiment original pour un deuxième roman. Je suis dans une période romans historiques, celui-ci n'a pas beaucoup de recul mais pourrait m'intéresser.

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  6. Mais les dimanches sont toujours sombres, même en plein midi l'été. Enfant c'était le retour en pension à Beauvais. Après déjeuner le spleen commençait à me serrer la gorge. Adulte ce fut l'idée de reprendre le travail le lendemain. Il n'y a qu'aujourd'hui où je me fout de dimanches...

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  7. @Valou: Curieuse de connaitre ton avis... Bonne lecture!

    @Ys: Plutôt courageux en effet. Je l'ai prêté à un ami hongrois et je suis vraiment curieuse d'avoir son retour... Si le sujet te tente, n'hésite pas, car il y a en bonus une jolie plume à découvrir.

    @Jeanmi: Pour moi, les dimanches riment avec famille et sont plutôt des belles journées. Etrange par contre, car Sombre dimanche est aussi le titre de la traduction d'un roman de Beryl Bainbridge. Comme quoi...

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  8. Mon souvenir de lectures hongroises à part Sandor Mari , est loin, je crois que c'est Christine Arnothy !!
    j'ai vu ce livre sur les blogs et il me tente

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  9. Une belle lecture pour moi aussi de cette auteure que je découvrais ainsi que le pays dont elle parle

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  10. J'aime les livre qui permettent de voyager et d'apprendre l'histoire d'un pays. Je note

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  11. @Dominique: Alala, Sandor Marai et Arnothy, deux auteurs notés mais toujours pas lus. Tu fais bien de me les rappeler... Bonne lecture pour Sombre dimanche si tu te lances!

    @Yv: Je me souviens de ton billet, parcouru juste avant ma propre lecture. Je partage tes impressions, belle lecture, belle plume!

    @Gambadou: Surtout que là on parcourt l'histoire de la Hongrie sans en avoir l'air. Ce n'est pas du tout rébarbatif ou trop scolaire.

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  12. J'aime énormément ce pays. Je note donc.

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  13. @Edelwe: Si tu aimes déjà la Hongrie, je pense effectivement que tu as de grandes chances d'être séduite par ce livre. Sans être une experte en culture hongroise, je trouve que l'auteur a bien capté l'âme de ce pays à travers le portrait de cette famille.

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  14. J'avais beaucoup aimé "Jusque dans nos bras", et ta note est tentante... C'est noté !

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  15. @Céline: Quant à moi, je note Jusque dans nos bras. Je viens d'aller zieuté ton billet qui est vraiment tentant. Curieuse de découvrir les débuts de l'auteur et l'évolution de son style. Par exemple, le côté vulgaire et générationnel est, je pense, moins marqué ici.

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