La mer à courir de Jean-Luc Marty
Billet écrit en automne 2014
Avec l'opération "On vous lit tout", Libfly propose aux lecteurs de découvrir, à l'aveugle, un livre de la rentrée littéraire. Une démarche qui peut réserver des surprises... Je suis ainsi tombée avec La mer à courir, sur une première scène de voilier limite traumatisante pour l'apprentie marin avec mal de mer (mais pleine de bonne volonté) que je suis ;-) Enfin bref!
Avec l'opération "On vous lit tout", Libfly propose aux lecteurs de découvrir, à l'aveugle, un livre de la rentrée littéraire. Une démarche qui peut réserver des surprises... Je suis ainsi tombée avec La mer à courir, sur une première scène de voilier limite traumatisante pour l'apprentie marin avec mal de mer (mais pleine de bonne volonté) que je suis ;-) Enfin bref!
La mer à courir s'ouvre donc sur un accident de voilier et la fuite consécutive de Josse pour Tahiti. Plusieurs années plus tard, Paul fait le chemin inverse en quittant son île des antipodes pour venir étudier la géographie en Île-de-France. Il emporte dans ses valises un colis à remettre à une jeune femme nommée Virginie dont il ignore presque tout.
La mer à courir est un roman éclectique qui, en prenant comme fil rouge la rencontre de ces Paul et Virginie modernes, aborde des thèmes aussi divers que la vie en banlieue, les essais nucléaires, le mal-être au sein des entreprises ou encore le changement climatique. Un trop plein de problématiques bien actuelles qui donne malheureusement à ce roman un petit côté "fourre-tout". On passe, à force, à côté des personnages que sont Paul et Virginie pour naviguer d'une réflexion à l'autre, sans réel port d'attache et sans être vraiment touché par cette étonnante rencontre entre deux personnes, séparées à la base par bien plus qu'un océan.
Si l'intrigue et les personnages de La mer à courir ne resteront probablement pas gravés dans ma mémoire, j'ai toutefois beaucoup aimé certaines passages du livre, pleins de finesse et de justesse. Une profondeur et une écriture qui me font d'autant plus regretter une intrigue un peu "vague".
"Le visage du comorien qui lève à présent la main résume à lui seul le brassage de l'océan Indien: un mélange unique de douceur malgache, d'aigu arabe et d'ombre africaine." p. 97
"Dans les marges de l'Île-de-France, Paul découvre les grands voyageurs d'aujourd'hui. Beaucoup n'ont rien vu des montagnes, des déserts ou des océans. Ils les ont traversés cachés sous un bâche de camion, dans un container suffisamment grand pour dissimuler plusieurs êtres humains, ou à fond de cale, avec pour seuls repères géographiques le passage d'une langue étrangère à une autre, d'une peur à une autre, d'une température à une autre. Ils ont suivi une route qui n'existe sur aucune carte, réduite à deux points, celui de départ et celui de l'arrivée, au risque permanent de la disparition" p. 114
"On a gardé ce qui se transportait aisément: prophètes, épices, langue premières, plats cuisinées, un tapis, une couverture... Lorsque l'on s'est rendu compte que la métropole sacrée tardait à s'ouvrir, on n'a eu d'autre choix pour relever la tête que de s'y accrocher, les entretenir, s'y ressourcer contre l'adversité." p. 171
Le roman d'une rencontre dans la tourmente de notre société actuelle ou seul l'eau et la mer semblent constituer un refuge à ces Paul et Virginie ballotés par la vie. De belles réflexions sur l'identité ou la notion de frontière et d'espace, mais un tout qui manque, à mon avis, d'un peu de cohérence.
Paul, le Tahitien, débarque en métropole pour continuer ses études de
géographie. L'ami qui a promis de l'héberger n'est pas à l'aéroport mais
a envoyé un proche qui le conduit dans une cité de banlieue. Paul
s'était imaginé habiter Paris. À Tahiti, sa mère lui a confié une
enveloppe contenant un mystérieux livre de bord, comme on en trouve sur
les bateaux. Paul doit le remettre à une jeune fille qu'il ne connaît
pas. Elle s'appelle Virginie. Âgée de vingt-cinq ans, elle vient d'être
engagée à la Hub Media Corporation en tant que journaliste stagiaire.
Chaque matin, elle rejoint un gigantesque immeuble de verre dans une
banlieue de la capitale. Paul n'est pas censé la rencontrer, juste
déposer le paquet à l'accueil de l'entreprise de presse. Mais il est
curieux de voir à qui on remettra l'enveloppe. Ni l'un ni l'autre ne se
doutent que le livre de bord se transforme en journal intime. Celui d'un
homme qui a joué un rôle dans leur existence, à des moments différents.
Tout comme ils ne savent pas encore que leur vie va enfin leur
appartenir, au bout d'une longue spirale de confusion et d'errance sur
les rives d'un fleuve, comme une promesse de mer.
Au-delà d'une
chronique amoureuse entre deux jeunes gens, Jean-Luc Marty dresse le
portrait de deux mondes clos. Ceux de la cité et de l'entreprise. La
première abrite tous les peuples du monde, avec ses vies de palier, ses
solidarités, ses faits divers. Et Paul, le Tahitien, y accomplit le
voyage que les " Français de souche " ne feront pas. Dans l'entreprise,
l'économie mondialisée transforme les métiers et la presse n'y échappe
pas. Virginie peine à accumuler les dépêches et à nourrir le buzz pour
un vague projet de Web magazine, dans un bureau aussi anonyme qu'une
cellule. On assiste tout au long de ce livre à la mise en miroir
d'univers qui se frôlent sans se rencontrer. La Mer à courir est aussi
l'occasion pour l'auteur d'entrer en résonance avec une mélancolie
contemporaine, en s'affirmant comme un écrivain d'aujourd'hui, porté par
une écriture qui ne lâche rien, ni l'épaisseur du réel ni la poésie.
MARTY Jean-Luc, La mer à courir, ed. Julliard, 21 août 2014, 266 p.
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