Nés de la nuit de Caroline Audibert

C'est l'histoire d'un loup, qui naît, qui tète, qui grandit, qui chasse, qui voyage, qui s'accouple, qui meurt. C'est la vie d'un loup, racontée à travers ses yeux et ses sens. C'est plus largement l'histoire de la terre, de la forêt, de la montagne et de ses habitants. 

Avis aux auteurs, mettez un loup sur une couverture et vous avez déjà une lectrice garantie, moi, même si vous écrivez des inepties. Et oui, je suis faible sur ce coup là, mais cette faiblesse vient par contre avec des attentes assez élevées par la suite et force est de constater qu'il y a énormément d'idioties écrites sur le sujet du loup. Que ce soit clair, les grands méchants loups, voraces et diaboliques m'exaspèrent tout autant que les majestueux symboles idéalisés de liberté. Bref pour la faire court, c'était loin d'être gagné pour Caroline Audibert et son premier roman, Nés de la nuit

Choisir un narrateur animal, c'est un point de départ plutôt original et qui a nécessité son lot de réflexion au niveau du style et du langage. Parfois saccadée, brute et dépouillée de structure grammaticale, l'écriture d'Audibert se fait cependant pleine d'emphase au niveau des sensations, des odeurs, du vent, des lumières. J'ai eu de la peine à m'y faire au début avant de me laisser imprégner par cette 'langue fauve' comme la décrit l'auteure. Le tout aurait ainsi pu se transformer en un exercice de style, intéressant mais probablement lassant; après une cinquantaine de page, je me demandais clairement comment cela allait tenir sur la distance. Heureusement, au lieu de se cantonner à son narrateur loup, Nés de la nuit devient une sorte d’allégorie du cycle de la vie, une fenêtre sur le monde sauvage, une réflexion sur notre interconnexion avec lui. 

Je ne veux pas trop en dire ici sur l'intrigue, somme toute assez simple, qui nous fait revivre le quart de siècle écoulé depuis le retour du loup en France. Le force de ce livre est sans conteste son approche et son message. J'ai finalement lu Nés de la nuit comme un appel à se mettre dans la peau de l'autre, ici l'animal sauvage qui nous fait peur, pour dépasser nos idées fausses. Le loup n'est pas bon ou mauvais, il est juste loup. Le comprendre, c'est déjà faire un pas vers la coexistence avec cette espèce et les autres. 

En conclusion: surprenant, animal et puissant

« La naissance est aussi déchirante que la mort. Une fine peau me retient. L’incise légère des crocs sépare mon être de son ultime enveloppe. Je suis passé de l’autre côté de la chair.
Mère lèche mon corps réfugié derrière les paupières closes. Sa langue est râpeuse, ce n’est pas la chair du dedans. Mes membres engourdis s’écartent, s’affolent. L’air me cerne, il rôde, se fraie un chemin à travers ma truffe, court dans ma gueule, fouille à l’intérieur, rentre plus encore, gonfle mon poitrail, ça brûle. »

À travers le regard d’un jeune loup du Mercantour se révèle un rapport intime entre la faune, la flore et l’homme. Un roman naturaliste et poétique qui résonne comme une ode à la vie sauvage qui nous fait voir la nature autrement.

Merci aux éditions Plon et à NetGalley de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage. 

AUDIBERT Caroline, Nés de la nuit, ed. Plon, novembre 2020, 176p. 

Commentaires

  1. Toi tu devrais lire le bouquin de Morizot, celui qui piste les loups (et se retrouve pisté) Chez actes sud

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    1. Je viens d'aller voir les livres de Morizot et argh, comment je suis passée à côté jusqu'ici. Je viens d'ajouter Les Diplomates à ma LAL urgente. Merci merci pour la recommandation.

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