July's People (Ceux de July) de Nadine Gordimer
Pour ceux qui aiment: Absolution de Patrick Flanery
Après des années de tensions, l'heure de la révolte a sonné: la population noire d'Afrique du sud s'est soulevée contre le régime de l'Apartheid et les violences ont éclaté dans toutes les villes du pays. La famille Smales, des blancs pourtant plutôt libéraux, a dû fuir sa maison en catastrophe, sans rien, sans plan, sans sortie de secours. Jusqu'à ce que leur fidèle boy, July, leur propose de se réfugier dans son village natal.
Autant le dire tout de suite, cette lecture a été une vraie claque pour moi et pourtant, je peine à trouver mes mots pour vous en parler. Car les événements qui se déroulent au fil de ce court roman de 160 pages peuvent au final tenir sur une ligne: Les Smales apprennent à vivre dans un village de brousse. Ce n'est cependant pas l'intrigue qui fait de July's People un livre coup de poing, mais plutôt toute les réflexions qu'il soulève sur les jeux de pouvoirs, la relation blancs-noirs et l'attitude paternaliste que l'on peut parfois adopter en étant pourtant de bonne foi.
Ce fut aussi une claque pour les raisons suivantes:
Primo: Il est bon de rappeler que July's People a été écrit en 1981, quand bien sûr le régime de l'Apartheid "péclotait" un peu, mais on était encore loin de l'effondrement décrit dans le roman. Comment un auteur sud-africain, vivant à l'époque dans le pays, a eu le courage d'écrire une telle histoire? J'avoue que j'en reste sans voix.
Deuxio: Grâce probablement à la sagesse de Mandela, on a évité le scénario catastrophe imaginé par Gordimer. Mais tout de même, les tensions entre population noire et blanche décrites par l'auteur dans un monde libéré des règles de l'Apartheid sont aujourd'hui malheureusement en partie réalisées et criantes d'actualité.
Terzio: Ces tensions, qui justement sont au centre du roman. Gordimer parvient, en quelques dialogues, en quelques scénettes du quotidien des Smales, à nous faire comprendre toutes les frustrations, toutes les incompréhensions entre July et son ancienne "maîtresse" Maureen. L'évolution et la redéfinition de leur relation est tout simplement passionnante. July prend de l'assurance dans un nouveau rôle de pourvoyeur tandis que Maureen, confrontée aux reproches et à l'humiliation passée de July, remet en question son image de patronne juste et charitable. Ajoutez à cela la relation de couple entre Maureen et Bam, elle aussi complètement chamboulée par cette nouvelle vie, celle tendue entre les Smales et le reste du village, et enfin les conséquences du retour imprévu de July parmi les siens, lui qui ne passaient que quelques semaines par année au village, vous obtenez un cours accéléré de psychologie humaine dans un contexte explosif.
Si j'ai trouvé ma lecture parfois ardue, en raison d'une vo assez complexe et de situations plus souvent suggérées que décrites (j'ai pensé à ma lecture de The Great Gatsby), je pense que July's People va m'accompagner encore plusieurs mois.
Sans avoir besoin d'une intrigue trépidante, July's people est une lecture fine et subtile sur l'Afrique du sud et sur les jeux de domination en général. Bluffant!
For years, it had been what is called a "deteriorating situation". Now all over South African the cities are battlegrounds. The members of the Smales family - liberal whites - are rescued from the terror by their servant, July, who leads them to refuge in his native village. What happens to the Smaleses and to July - the shifts in character and relationships - gives us an unforgettable look into the terrifying, tacit understandings and misunderstandings between blacks and whites.
For years, it had been what is called a "deteriorating situation". Now all over South African the cities are battlegrounds. The members of the Smales family - liberal whites - are rescued from the terror by their servant, July, who leads them to refuge in his native village. What happens to the Smaleses and to July - the shifts in character and relationships - gives us an unforgettable look into the terrifying, tacit understandings and misunderstandings between blacks and whites.
J'ai bien envie à présent de lire les écrits plus récents de Mme Gordimer comme None to Accompany Me (Personne pour m'accompagner) ou Get a life (Bouge-toi!) pour voir ce qu'elle a pensé de l'après-apartheid et de l'avenir de ce pays qui me tient tant à coeur.
Lecture commune avec A girl from earth, décidée suite au décès de l'auteur le 14 juillet 2014. Curieuse de savoir ce qu'elle en a pensé...
GORDIMER Nadine, July's People, ed. Penguin, 1981, 160p.
GORDIMER Nadine, Ceux de July, ed. Livre de Poche, 1985, 187p.
Et pourquoi, ô pourquoi ce livre semble-t-il si difficile à trouver en français? Etrange pour l'un des livres les plus connus d'un auteur ayant reçu le prix Nobel en 1991.
OK, les filles, j'ai compris! J'ai raté la LC, mais je sais que je dois emprunter ce roman...
RépondreSupprimerJ'ai failli ajouter dans mon billet que ce livre est fait pour toi Keisha ^_^ Mais si tu jettes ton dévolu sur un autre titre de l'auteur, je te suis volontiers aussi.
SupprimerPfff mais oui Keisha, tu dois ! :-D
SupprimerZarline, partante aussi pour un autre titre de Gordimer, mais tant qu'à explorer côté litté sud-africaine "classique" inexplorée , je tenterais bien André Brink. Je dis ça je dis rien. ;-)
Moi je suis, soit pour Brink (peut-être avec un autre titre que Une saison...), soit pour Gordimer, ou les deux sur une année tant qu'à faire ;-)
SupprimerC'est fou comme on se rejoint sur cette lecture ! Saisissante et bluffante en effet pour tout ce que tu dis dans ta partie terzio. Cet aspect nous a bien marquées. C'est ce qui fait la force de ce récit aussi. Et c'est vrai que c'est un court roman. J'avais oublié de le mentionner dans mon billet mais je trouve ça d'autant plus admirable qu'elle ait réussi à condenser et exprimer tout le drame de la situation en si peu de pages. J'ai beaucoup aimé aussi comment elle a su faire évoluer les enfants dans ce nouveau contexte. Très réaliste cet aspect du récit aussi. Bref, pour moi aussi c'est une claque en réalité. Je ne m'attendais pas du tout à cette intrigue, traitée avec autant de finesse et de nuances.
RépondreSupprimerExcellente idée de LC ! Je trouve ça chouette d'avoir pu découvrir ton avis juste après avoir rédigé le mien (quel suspense ! ) et de voir qu'on a traversé cette lecture avec les mêmes chocs.
Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a toute une dimension très sud-africaine dans le récit, mais qu'en même temps, les tensions qu'elle décrit, cette réflexion sur la domination pourrait être complètement transposée à d'autres contextes.
SupprimerEt c'est vrai, j'ai oublié de parler des enfants, mais c'est effectivement très bien rendu.
Une claque, oui, définitivement. Je suis vraiment déçue de voir que ce livre soit si difficilement trouvable aujourd'hui.
Très tentée, si vous faite sune autre LC d'elle ou de Brin je suis partante !
RépondreSupprimerChouette, ça se profile et on te tient au courant. Mais n'hésite en tous cas pas à découvrir Gordimer. J'avais pleins d'a priori tous complètement injustifiés au final.
SupprimerJe le note comme prochain Gordimer à lire (je ne sais jamais par quel bout prendre son œuvre). J'ai lu d'elle en VO No Time Like the Present, son ultime roman, et je confirme : c'est ardu ! (ta comparaison avec TGG me plaît bien car la première fois que j'ai souffert sur une lecture en VO anglaise, c'était avec TGG que je connais pourtant par cœur en VF ; à la relecture c'est passé tout seul cela dit).
RépondreSupprimerBrink, il me faudrait le relire. J'avais adoré aussi bien Une saison blanche et sèche (lue dans sa traduction anglaise réalisée par Brink lui-même) que Mes bifurcations (lu en VO anglaise), ses mémoires. J'ai toujours regretté qu'il n'ait pas obtenu lui aussi le Nobel.
Je me rappelle que tu m'avais donné envie d'enfin découvrir Gordimer. C'est vrai qu'il est difficile de choisir parmi ses romans. Faut-il se tourner vers ses oeuvres les plus connues, écrites parfois en opposition à un contexte bien particulier qui n'existe plus aujourd'hui, ou vers ses oeuvres plus récentes?
SupprimerN'hésite en tous cas pas pour July's People qui reste très moderne et pas du tout limité au contexte de l'apartheid. Quant à moi, je pense vraiment tenter un de ses derniers livres.
En relisant tes billets sur l'auteur, je me rends également compte à quel point ton impression sur d'autres lectures est proche de nos deux billets. Les mots subtilité semble bien définir cet auteur. Du coup, ça me donne encore plus envie de poursuivre l'aventure.
Et pour Brink, j'avais lu Une saison blanche et sèche sans que cela me laisse un souvenir impérissable. Etrange! Mais ses mémoires me disent bien. Et pour le Nobel, la liste des auteurs qui l'auraient mérité est bien longue...
Je suis tentée après le billet de A girl et le tien, mais il est sûr que je ne m'y attaquerai pas en VO... j'essayerai de le trouver en bibliothèque.
RépondreSupprimerJe ne peux pas t'encourager pour la v.o. Je lis très souvent en anglais mais là, j'ai un peu peiné. Pas que ce soit compliqué, c'est juste que comme tout est un peu suggéré et dans la subtilité, j'avais toujours l'impression de passer à côté de quelque chose. C'était vraiment la même impression que pour Gatsby, dans un genre totalement différent bien sûr.
SupprimerLa bibliothèque est je pense la bonne option. J'espère que tu trouveras ce titre qui mérite vraiment d'être redécouvert.
Eh bien je n'ai pas lu Gordimer et bien sûr, ce livre me semble très intéressant. J'ai lu un peu Coetzee : très fort aussi.
RépondreSupprimerAhh, Coetzee et Disgrâce, une autre grosse claque pour moi. Il faudrait d'ailleurs que je continue ma découverte de cet auteur.
SupprimerAvec Gordimer, on est un peu dans les mêmes réflexions, dans la même force. Ca devrait te plaire...
La vous êtes deux à taper bien fort quand même...Comme je le disais chez a girl, je suis intéressée par le lire en Français, mais étrangement, même quand les libraires font des vitrines "apartheid" ou "Afrique du Sud" je n'ai encore jamais vu ce livre présenté. Bravo les filles pour cette belle lecture en VO....C'est peut-être l'absence de manichéisme que vous relevez qui est si tentant.
RépondreSupprimerPourtant Nadine Gordimer est quand même un monument de la littérature sud-africaine... Elle est peut-être un peu tombée dans l'oubli ces dernières années et je suis étonnée qu'on en ai pas plus parlé lors de son décès l'année dernière. Un oubli à réparer en découvrant cet auteur?
SupprimerL'absence de manichéisme, c'est exactement ça. Si je peux me permettre la formule, personne n'est tout blanc ou tout noir dans ce livre (enfin si, mais non, bref tu me comprends ^_^)
Lu! Fichtre, oui, c'est à lire absolument. Subtil, l'air de rien, on est dans ce village, mais...
RépondreSupprimerJe viens enfin de trouver le temps de passer chez toi (semaine difficile, ma santé me joue des tours) mais toujours pas de billet. Argh, je me réjouis de lire ton avis.
SupprimerTrès envie de lire ce livre, tu as décidément le talent de me faire envie avec tes billets ;)
RépondreSupprimerCe n'est pas une lecture plaisir mais c'est très fort comme roman. Et je suis sûre que Keisha saura en remettre une couche ;-)
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