Le peuple rieur - Hommage à mes amis innus de Serge Bouchard et Marie-Chistine Lévesque

Au début des années 70, Serge Bouchard, alors jeune anthropologue, part à la découverte du peuple Innu à Mingan au Québec, sur leur territoire qu'ils nomment Nitassinan - Notre Terre. Au fil des mois passés au sein de ces communautés, il apprendra à admirer les riches connaissances et traditions, le courage et la volonté mais aussi le sens de l'humour si particulier de ce 'peuple rieur'. 

Quarante ans plus tard, Serge Bouchard retrace le parcours chaotique de ce peuple nomade, qui n'a cessé de tenter de s'adapter aux nouvelles conditions et d'en tirer le meilleur, tout en conservant son identité et sa fierté. Le peuple rieur c'est l'histoire de la nation Innue ramenée au premier plan de l'histoire du Québec et du Canada. De l'époque précoloniale, aux premiers contacts avec des pécheurs européens puis l'arrivée des Français, du Domaine du Roi, du commerce des fourrures et jusqu'à l'exploitation du nord québécois, les clubs privés de pêche la fin du nomadisme et les atrocités des internats, Serge Bouchard nous invite à dérouler les siècles de l'autre côté du miroir, loin du discours des conquérants d'une nouvelle terre sauvage et inhabitée en attente de développement et de progrès. 

Ce livre présente la très grande marche d'un tout petit peuple, il refait à la fois le chemin de sa joie et son chemin de croix.

En démarrant ce livre, je m'attendais à un essai davantage centré sur les traditions et le mode de vie actuel du peuple Innu et moins à un récit historique (même si l'auteur s'en défend) couvrant plusieurs siècles de survie. Le fait qu'il revienne au final à un anthropologue comme Serge Bouchard de conter l'histoire de cette nation est peut-être la démonstration une fois encore du peu de place qui a été accordée aux peuples autochtones dans le narration de l'histoire des Amériques et du désintérêt, jusqu'à très récemment, pour leur vécu et perspectives - comme si seul un anthropologue pouvait s'intéressait à ce sujet, aux Michel, Chomina, Nishapet, George de l'histoire plutôt qu'aux figures plus imposantes des Cartier, Champlain et des autres. 

J'ai parcouru ces plus de six siècles d'histoire avec intérêt, comprenant mieux certains mécanismes ayant aujourd'hui encore, un impact si important sur la relation du Canada et du Québec avec ses Premières Nations. J'ai aimé aussi découvrir le peuple Innu, sa culture, partie de ses coutumes, de sa langue, de ses croyances, appuyant ainsi le fait que chaque nation a sa propre richesse. 

Le tout se lit bien et ne se veut pas du tout un essai académique exhaustif, mais il manque étonnement un peu de récits et d'expérience personnelles à mon goût. J'aurais aimé que Serge Bouchard nous raconte davantage son quotidien et celui de ses hôtes durant ses séjours à Migan - peut-être est-ce une invitation à aller nous-mêmes à la rencontre de ce peuple rieur? 

BOUCHARD Serge et LÉVESQUE Marie-Christine, Le peuple rieur, ed. Lux, novembre 2017

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