La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson

Pour ceux qui aiment: Un bûcher sous la neige de Susan Fletcher en plus "mâle"

Au crépuscule de sa vie, Bjarni Gíslason, un paysan islandais, fait le bilan des années écoulées et réalise qu'au cours de ces décennies, seules deux choses ont réellement compté. Son amour de la terre et sa passion dévorante pour Helga, avec qui il a entretenu une aventure aussi jouissive que destructrice. Dans une longue lettre, il revient sur ses événements et confesse ses sentiments à cette femme, objet de son amour impossible.

La Lettre à Helga est un roman court mais puissant, qui m'a emportée, dès les premières lignes, vers cette nature sauvage de l'Islande. A travers le récit de Bjarni, le lecteur découvre la vie des habitants de ces contrées dans les années 40, la rudesse et les difficultés du quotidien mais aussi la beauté et la passion de la terre. Car si La Lettre à Helga est souvent décrit comme une déclaration d'un homme à son amour perdu, Bjarni nous livre également ici une ode à sa culture et à son environnement.

J'ai trouvé cette confession d'un homme peu habitué à exprimer ses sentiments très belle. J'ai parfois tiqué sur les nombreuses références un peu crues à la poitrine d'Helga, qui finit par s'apparenter à une paire de tétines (charmant). Puis, j'ai peu à peu accepté ce manque de finesse et d'érotisme et les difficultés que j'avais à suivre et à partager les sentiments du narrateur. En tant que femme, suisse, de milieu urbain, je trouve au final convaincant que l'auteur ait réussi à construire un personnage avec lequel je me suis, durant la plus grande partie du récit, sentie complètement déconnectée. L'amour est universel mais la façon d'aimer, et surtout ses évocations sont, à mon avis, loin d'être uniformes. Le personnage de Bjarni en devient plus crédible à mes yeux et sans avoir réussi à m'identifier à lui, j'ai peu à peu éprouvé un grand attachement et de la compassion avec cet homme mis devant le choix insurmontable de tout abandonner, sa famille, ses ambitions, sa terre, ses bêtes, pour une seule, mais la seule qui compte, femme.

Si j'ai ainsi mis du temps à m'habituer aux comparaisons érotiques de tracteurs et de mamelles, j'ai eu beaucoup moins de peine à apprécier les belles évocations de nature et de grands espaces, sur un pays que je rêve de visiter depuis plusieurs années. Sans emphase ou lourdeurs, mais avec beaucoup de justesse, Bjarni partage son attachement à la terre et à sa région. Tout en simplicité, Birgisson arrive à faire passer beaucoup d'émotions et fait revivre pour nous un mode de vie et de pensée en voie de disparition.

Un très beau roman, simple mais rempli d'émotions: de curiosité, de dégoût, mais surtout de compassion, de tristesse, de beauté et d'amour. Un livre suffisamment à part pour ne laisser personne indifférent. 


« Mon neveu Marteinn est venu me chercher à la maison de retraite. Je vais passer le plus clair de l’été dans une chambre avec vue plongeante sur la ferme que vous habitiez jadis, Hallgrímur et toi. » Ainsi commence la réponse – combien tardive – de Bjarni Gíslason de Kolkustadir à sa chère Helga, la seule femme qu’il aima, aussi brièvement qu’ardemment, d’un amour impossible.

Et c’est tout un monde qui se ravive : entre son élevage de moutons, les pêches solitaires, et sa charge de contrôleur du fourrage, on découvre l’âpre existence qui fut la sienne tout au long d’un monologue saisissant de vigueur. Car Bjarni Gíslason de Kolkustadir est un homme simple, taillé dans la lave, pétri de poésie et d'attention émerveillée à la nature sauvage.


Ce beau et puissant roman se lit d’une traite, tant on est troublé par l’étrange confession amoureuse d’un éleveur de brebis islandais, d’un homme qui s’est lui-même spolié de l’amour de sa vie.


Je remercie PriceMinister-Rakuten pour l'organisation des Matchs de la rentrée littéraire 2013 et pour l'envoi de ce livre.  


BIRGISSON Bergsveinn, La Lettre à Helga, ed. Zulma, août 2013, 144p., traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson
BIRGISSON Bergsveinn, Svar vid bréfi Helgu, 2010

Commentaires

  1. Réponses
    1. C'est difficile, je trouve, de dire pourquoi on a aimé ce livre simple mais particulier, mais tant que la magie opère...

      Supprimer
  2. Ce livre a plein de bons côtés. Mais j'ai eu du mal avec Bjarni qui n'assume pas ses choix.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En même temps, pas facile d'assumer un tel choix, non? Tout quitter pour l'amour, je pense que, quelque soit la décision, les regrets seront présents.

      Supprimer
  3. Tu as aimé, donc. Des avis vraiment très différents sur ce roman.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, les avis passent vraiment du chaud au froid. Honnêtement, j'ai parfois eu de la peine à appréhender Bjarni, mais dès que j'ai accepté qu'on ne pouvait pas "penser pareil", j'ai réussi à me glisser dans ce roman. De toutes manières, quand les avis sont aussi différentes, il ne reste qu'à se faire sa propre opinion, non?

      Supprimer
  4. J'ai moi aussi été emportée par cette lettre. J'ai beaucoup ri de ses comparaisons érotiques mais tout comme toi, j'ai été au final touchée par cet homme et sa confession amoureuse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah oui, certaines comparaisons sont exceptionnelles. Le seul point qui m'ait gênée, c'est cette fixette sur la poitrine. Ben oui, ils sont de quelle couleur les cheveux et les yeux d'Helga, hein?

      Supprimer
  5. Réponses
    1. C'est je crois 50-50 pour cette lecture, mais j'espère que tu feras partie des séduites. Bonne lecture!

      Supprimer
  6. J'ai hâte de m'y plonger à mon tour !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Code Salamandre de Samuel Delage

Youpiiiiii!!! Jury du Grand prix des lectrices de ELLE 2010

Der Besuch der alten Dame (La visite de la vieille dame) de Friedrich Dürrenmatt