L'Infini Ment de Régine Magda Lên


De nos jours, dans un Vietnam réunifié, François raconte à ses enfants ses guerres, de l'occupation japonaise durant la deuxième guerre mondiale à son engagement auprès des troupes françaises dans leur lutte désespérée pour préserver les territoires coloniaux Indochinois. L'Infini Ment est ainsi l'histoire de la folie des hommes mais c'est avant tout une histoire d'amour, d'amitié et d'engagement.

L'Infini Ment m'a fait passer par toute une série de sentiments. L'histoire principale, centrée sur la guerre d'Indochine est passionnante et j'ai beaucoup aimé ce contexte finalement plutôt absent de la littérature. Si le lecteur suit François des camps d'entrainement à ceux de prisonniers, du Laos à Diên Biên Phu, Régine Magda Lên a cependant décidé de traiter le sujet de manière très "humaine" en se concentrant sur une suite de rencontres entre François et la belle infirmière Inès, l'intriguant mais fidèle ami René, Marcel, Pierrot et les autres à travers l'histoire troublée du Vietnam. Les personnages sont bien croqués et attachants mais j'ai trouvé que l'intrigue restait parfois un peu en surface et j'aurais justement voulu avoir plus de détails sur le cours des événements et sur l'engagement de chacun dans le conflit. Au final, j'ai un peu l'impression d'avoir survolé l'album photo d'une vie et d'une guerre, sans vraiment connaitre le contexte et les implications de chaque cliché.

C'est cependant le style qui me laisse partagée. La plume de Régine Magda Lên est riche, très fleurie et métaphorique. Durant ma lecture, j'ai pensé au Coeur cousu de Carole Martinez. J'ai trouvé certains passages vraiment magnifiques, preuve en est les nombreuses pages cornées, alors que d'autres phrases ne faisaient, selon moi, pas vraiment sens ou sonnaient un peu clichées. Un passage qui donne une bonne idée de la manière dont l'auteure joue avec les mots:

"Le constat, c'est que la guerre n'a pas de camp. La guerre est une abstraction ou un cul-de-jatte si tu veux; sans territoire, sans camp, sans coeur, sans rien. Amputée de tout, nous en sommes les jambes et nous la promenons à travers le monde. En troupes disciplinées nous lui composons des bras aussi, des bras armés et meurtriers. La guerre est un cul-de-jatte avec une tête qui pense la mort, pour nous. Elle nous donne une raison, une organisation, un choix qui nous convainc de la transporter. Bien sûr, elle change souvent de conviction pour qu'il y ait toujours une raison quelque part, suffisamment impérieuse et noble pour aller tuer et se faire tuer. On parle de machinerie et de puissance de feu à propos de la guerre. La machinerie, c'est nous, nous tous, dans les différents camps. Et la puissance de feu dont il s'agit, c'est de la conjugaison; c'est l'imparfait de l'humanité. Elle nous décline les uns après les autres eu feu monsieur et feue madame, et avec notre accord par dessus le marché." p. 60-61

J'ai été touchée par le récit de François et l'esquisse de ces vies et de ces temps troublés malgré quelques maladresses.
Une lecture intéressante et prenante mais dans laquelle on avance lentement en raison d'un style que l'on pourrait qualifier tour à tour de riche ou d'ampoulé.

« Je la connais, la mort » : c'est presque sur ces mots que commence l'histoire de François. Le vieil homme révèle à ses enfants ce que furent ses véritables luttes Indochine, Vietnam, et toutes ces guerres innommées, intimes. François exhume ces années de feu qui lui ont dérobé sa liberté, son honneur et son grand amour. Entre Danang, le Laos et Diên Biên Phu, on le suit de tranchées en tranchées, de camps en camps, égaré dans une Histoire qui lui échappe. Plus on avance dans le récit, plus ce tempérament à la fois rebelle et sage nous frappe par sa lucidité et sa générosité. « Nous sommes à chaque instant ce que le passé nous a commandé de devenir, et ce que l'avenir nous commande de dépasser » : ces propos résument parfaitement l'état d'esprit du narrateur ; déchiré et cependant tout dune pièce. Témoignage édifiant et incarné d'un périple qui, du maquis Vietminh aux troupes colonialistes françaises, nous entraîne à travers une histoire mouvementée. Les amitiés s'éprouvent, les amours s'obstinent, les masques tombent parfois Basé sur des faits historiques réels, très bien documenté, ce récit distille les essences aigres-douces d'un ailleurs volontiers dépaysant et terriblement touchant.

Je remercie Blog-O-Book et les éditions Publibook pour la découverte.


LEN Régine Magda, L'Infini Ment, ed. Publibook, janvier 2011, 272p.

Commentaires

  1. Tu as raison de dire qu'on ne trouve pas beaucoup de romans sur cette guerre. Je lirais bien ce roman mais si tu dis que c'est lent et que le style t'a semblé parfois ampoulé, ça me refroidit un peu! Il faudrait que je le feuillette!

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  2. Tout pareil que Mango, le style ampoulé me fait hésiter. Je commencerai par regarder s'il est à la bibliothèque.

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  3. Un style ampoulé, bof-bof, ou alors il faudrait que je sois bien lunée.

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  4. @Mango: Sur le style, mon avis est à prendre avec des pincettes car j'ai été gênée par le style très poétique de Carole Martinez alors que ça été un coup de coeur pour beaucoup. A feuilleter, surtout si le sujet t'intéresse.

    @Aifelle: Alala, un adjectif qui vous a marquées ;-) De nouveau, j'aime moyennement les écritures un peu fleuries mais certains passages de L'Infini Ment m'ont vraiment beaucoup plu.

    @Alex: Certains passages m'ont presque fait sortir mon dictionnaire et ça ne se lit pas comme de la chick lit, c'est sûr mais le contexte et les nombreuses pages cornées méritent quand même la découverte...

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  5. Combien de livres gardez-vous à portée de main pour en relire une ou deux pages de temps en temps ?.. Ca n'est pas un livre de consommation ; il a bien plus à donner - si vous avez votre temps...
    Béatrice

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  6. @Béatrice: Je ne suis pas sûre de ce que vous entendez par "livre de consommation". Pour moi, un livre, et d'avantage encore un roman, sont faits pour être "consommés" et lus de manière suivie et sur une période plus ou moins courte (surtout quand les personnages sont nombreux). Alors piocher des passages, bien sûr ça m'arrive mais surtout pour des recueils de citations ou de bons mots, moins pour des romans.

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  7. Effectivement, ton commentaire me donne envie de me plonger dans d'autres romans relatifs à ce sujet. Et comme tu évoques Carole Martinez dont j'ai adoré le premier roman, la tentation est terrible :p

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  8. @Meria: Le contexte de ce livre est vraiment sympa mais j'aurais peut-être voulu avoir plus de détails sur le conflit. C'est pourquoi le livre que tu présentais il y a quelques semaines me tente bien. Si le style de Carole Martinez te plait, tu ne devrais pas bloquer autant que moi sur la plume de Régine Magda Lên. Si tu craques, bonne lecture!

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  9. je me glisse auprès de vous pour partager mon avis. Un ami m'a prêté l'Infini Ment à cause de mon amour pour l'Asie. Je ne suis pas une grande lectrice, pourtant j'ai tout aimé. Parfois lyrique, parfois argotique, plongé dans l'histoire ou la commentant à distance... C'est sûr qu'il est différent et j'aime toutes ces différences. J'y ai retrouvé aussi des émotions de là-bas et c'était si bon... Bien à vous
    Alexia

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  10. @Alexia: Je connais peu l'Asie donc je n'ai pas vraiment pu juger de ce côté-là mais heureuse que ce livre vous ait plu.

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