Mangeclous d'Albert Cohen par le Théâtre Ecart

En 1936, cinq cousins juifs de Céphalonie recoivent une étrange missive: un chèque et un rendez-vous codé à Genève, au siège de la Société des nations. Attirés par le gain et la promesse d'aventure, les cinq compères, à la fois tout aussi loufoques et différents les uns des autres, s'embarquent pour cet étrange périple qui les mènera de Grèce à Genève, en passant par Marseille, avec à la clé peut-être, la possibilité de participer à la création de l'Etat d'Israël. 

Mangeclous est à la base un roman d'Albert Cohen publié en 1938. Deuxième volet d'une trilogie composée de Solal et de Belle du seigneur, Mangeclous se concentre principalement sur le personnage éponyme, sorte de géant menteur et opportuniste. 

Je n'ai, pour ma part, jamais lu Albert Cohen, bien que Belle du seigneur traine dans ma PAL depuis des siècles. Et force est de dire qu'après cette pièce, il risque d'y rester pour encore quelques années. Car oui, je ressors de cette soirée théâtrale complètement perplexe, n'ayant pas du tout compris le délire de cette pièce. J'avais toujours imaginé les écrits de Cohen plutôt sérieux, voire un peu barbants, alors que j'ai assisté à du théâtre absurde, à une pièce grotesque. Ceux qui suivent un peu ce blog savent que je n'ai aucune affinité avec ce genre et donc l'avis qui suit est à prendre avec des pincettes si au contraire cela vous convient. 

Durant toute la représentation, j'ai eu l'impression d'assister à un gros délire sous champis. Je n'ai absolument pas compris où l'auteur essayait de nous mener. Une demande d'indépendance de Marseille, une lionne qui s'échappe, un message codé, des diplomates argentins, du camping sur le Salève.... non, sérieusement, je suis passée complètement à côté et j'ai attendu avec impatience la fin de la pièce. 

J'ai lu plusieurs avis sur le texte de Cohen, tous positifs, qui parlent de l'aspect philosophique du roman, de sa drôlerie, le qualifiant même de chef d'oeuvre. Peut-être est-ce un problème au niveau de la retranscription en pièce de théâtre, ou alors ce n'est juste pas un texte fait pour moi. J'admets cependant que le côté prophétique de la pièce sur le prochain sort des juifs et les allusions à Hitler créent un malaise intéressant dans le contexte déluré de la pièce, un peu à l'image du Dictateur de Chaplin. 

Je dois également souligner que tous les acteurs, dans leurs rôles d'énergumènes bargeots, étaient excellents, surtout Mangeclous qui aurait sûrement pu être arrêté pour allégation de consommation de coke. Non, sérieusement, j'ai beaucoup aimé le jeux de chacun d'eux et j'admire réellement leur travail, car ce genre de texte, à la limite de l'absurde, est extrêmement difficile à jouer. La mise en scène et le jeux de lumière étaient également originaux et réussis, avec cette scène dépouillée de décors, mis à part deux écrans sur lesquels étaient projetés le mobilier, ou des petites scénettes filmées. J'ai particulièrement aimé le doublage par Mangeclous de son propre rôle de père, un passage très réussi de la pièce. 

Une rencontre ratée pour moi avec le texte de cette pièce, mais un jeux d'acteurs et une mise en scène qui m'ont plu. Si le théâtre grotesque ne vous rebute pas, il y a de fortes chances que cette pièce vous enchante. Il vous reste deux semaines pour la découvrir au Théâtre Pitoëff à Genève. 

Nous sommes en 1936. Sur l’île de Céphalonie, en Grèce, vivent cinq cousins. Ils sont complices, hâbleurs, rouspéteurs, menteurs, séduisants et homériques ! Ils sont une bande de copains ; ils sont les Valeureux ! A l’invitation de leur neveu, Haut Fonctionnaire à la Société des Nations, ils vont se rendre à Genève pour participer à la naissance de l’Etat d’Israël. C’est le début d’une épopée qui tient aussi bien de Rabelais que de Cervantès, des scènes d’un comique redoutable, salubre, une manière jubilatoire de se saisir du monde et de mordre la vie à pleines dents. Mangeclous, c’est une quête réalisée par des personnages pittoresques qui n’ont pour unique priorité que de manger, c’est-à-dire de se nourrir de victuailles et de mots. Mangeclous, finalement, ce pourrait être l’alliance des mets et des mots. Albert Cohen, après tout, est peut-être un lointain descendant de Rabelais, qui sait ?

Théâtre en Cavale, Mangeclous d'Albert Cohen par le Théâtre Ecart
Adaptation et mise en scène: Serge Martin
Avec: Dimitri Anzules, Miguel Fernandez-V., Jean-Louis Johannides, Jacques Maeder, Serge Martin, Daniel Monnard, Pietro Musillo, Olivier Nicola, Jérôme Sire
Théâtre Pitoëff, Genève
11 janvier - 3 février 2013

Quelqu'un a-t-il vu le film de Moshé Mizrahi avec Aznavour, Pierre Richard, Jean-Luc Bideau, Villeret et co.?

Commentaires

  1. Pour moi aussi, Albert Cohen rimait avec sérieux... Ce qui ne me donne pas trop envie de le découvrir pour autant...

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  2. @Kathel: Le genre grotesque peut être extrêmement sérieux dans sa critique de la société ou de la situation juive... Mais personnellement, je n'avais pas de décodeur pour ce texte et je suis passée à côté. Il va falloir quand même que je feuillette Belle du seigneur pour voir ce que ça donne, car tous mes a priori sur cet auteur ont explosé. De là à me lancer dans la lecture de ce pavé...

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  3. Il est quand même possible que la pièce ne soit pas réussie : le texte de Cohen n'y est pour rien à mon avis.

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  4. @Philisine: C'est vrai, c'est possible. Mais je crois que le côté grotesque qui m'a tant surprise dans cette pièce est également présent dans le livre. A investiguer...

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  5. j'imagine bien que ça devait être très particulier...

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  6. @Violette: Très particulier, j'irais même jusqu'à complètement dérangé ;-) C'était pas mon truc, et en plus je ne m'y attendais pas du tout après lecture du résumé de la pièce qui est plutôt sérieux je trouve.

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  7. Bon, quoique... Rabelais et Cervantès, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille. My bad!

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