Disgrace de J.M. Coetzee
David Lurie est un professeur d'université, la cinquantaine et deux fois divorcé, dont la seule réelle motivation restante semble être ses aventures sans engagement avec des femmes croisées ici et là. Mais quand il est dénoncé pour avoir eu une aventure avec une élève, il tombe en disgrâce et décide de partir se réfugier dans la ferme isolée de sa fille, Lucy.
Tout d'abord, un petit avertissement: si vous voulez un livre qui met la pêche ou si vous prévoyez un séjour sud-africain, passez votre chemin. Par contre, si vous cherchez un livre extrêmement bien écrit et poignant sur (une partie de) la réalité de l'Afrique du Sud post-apartheid, avec toutes ses contradictions, ce livre doit impérativement rejoindre votre PAL.
J.M. Coetzee nous offre ici un grand roman qui m'a complètement chamboulée.
Les personnages tout d'abord: ici rien de manichéen ou de simpliste mais un reflet fidèle de la complexité de l'âme humaine. Ainsi, David Lurie est parfois touchant par sa fragilité et son désarroi face aux difficultés de communication avec sa fille mais peut également être détestable quand il se transforme en prédateur égoïste et sans remords. Lucy est un personnage féminin à la fois fort et résigné. Bev est une sorte d'ange de la mort mais aussi porteuse de rédemption, etc. Vous l'aurez compris, difficile de s'identifier à un personnage mais impossible de ne pas s'y intéresser.
L'histoire ensuite, choc et pourtant traitée dans toute sa banalité, ce qui la rend d'autant plus marquante et dérangeante. J.M. Coetzee réussit ici une description passionnante de la société sud-africaine, empreinte d'inégalité et d'histoire raciale. Il décrit également sans tabou la situation difficile des fermiers blancs confrontés aux revendications légitimes des populations noires et les révolutions de la société sud-africaine.
Le style enfin, précis, parfois simple, parfois érudit mais toujours très maîtrisé:
"A risk to own anything: a car, a pair of shoes, a packet of cigarettes. Not enough to go around, not enough cars, shoes, cigarettes. Too many people, too few things. What there is must go into circulation, so that everyone can have a chance to be happy for a day. That is the theory; hold to the theory and to the comforts of theory. Not human evil, just a vast circulatory system, to whose working pity and terror are irrelevant. That is how one must see life in this country: in its schematic aspect. Otherwise one could go mad. Cars, shoes; women too. There must be some niche in the system for women and what happens to them." p. 98
J'ai peut-être moins accroché à la deuxième partie que j'ai trouvée plus lente et aux passages sur Byron dont je connais peu l'oeuvre, mais c'est mon seul bémol sur ce roman.
Un livre coup de poing, dérangeant et sans espoir mais un sujet et un style tellement bien maîtrisés qu'on reste en apnée jusqu'à la fin. Disgrace n'est pas un livre qu'on peut "aimer" mais c'est sans aucun doute un livre marquant.
David Lurie, middle-aged and twice divorced, is a scholar fallen into disgrace. After years teaching Romantic poetry at the Technical University of Cape Town, he has an impulsive affair with a student. The affair sours; he is denounced and summoned before a committee of inquiry. Willing to admit his guilt, but refusing to yield to pressure to repent publicly, he resigns and retreats to an isolated smallholding owned by his daughter Lucy.
For a time, his daughter's influence and the natural rhythms of the farm promise to harmonise his discordant life. He helps with the dogs in the kennels, takes produce to market, and assists with treating injured animals at a nearby refuge. But the balance of power in the country is shifting. He and Lucy become victims of a savage and disturbing attack which brings into relief all the faultlines in their relationship.
Chilling, uncompromising and unforgettable, Disgrace is a masterpiece.
Tout comme L'immeuble Yacoubian que j'avais beaucoup aimé, ce livre faisait partie de la liste du Financial Times (dont je vous parlais ici) des romans permettant de mieux comprendre un pays et c'est encore une fois complètement mérité. Cela me donne d'ailleurs encore plus envie de découvrir les autres romans cités. J'ai également très envie de continuer ma route avec Coetzee et ça tombe bien car Boyhood est déjà dans ma PAL.
Enfin, j'inscris cette lecture dans le cadre du challenge des coups de coeur de la blogosphère de Theoma (2/2). Les livres de Coetzee étaient recommandés par Marie.
COETZEE J.M., Disgrace, ed. Secker & Warburg, avril 1999, 220p.
COETZEE J.M., Disgrâce, ed. Seuil, coll. Points, octobre 2002, 272p.
Un roman qui t'a marqué, on dirait.
RépondreSupprimerUn livre noté mais j'ai compris que ce n'était pas une lecture facile.
RépondreSupprimerJ'ai besoin de lecture plus légère en ce moment, je passe...
RépondreSupprimerD'accord avec vous. J'ai beaucoup aimé, mais il faut avoir le moral pour le lire...
RépondreSupprimerPfou j'ai eu la mauvaise idée de dérouler ma page pour lire ton billet, et le comm a disparu. je recommence...
RépondreSupprimerSavoir que tu connais le pays donne du prix à ton billet! Cela ne me rassure pas plus que cla, d'ailleurs!Je ne dis pas que je suis "ravie" de ma lecture, mais chamboulée c'est sûr, grâce à la lecture commune.Sans la LC, pas sûr que je l'aurais lu! Un bon choix, donc, sur la liste que tu cites en référence (et que j'ai pris soin de noter aussi dans mon billet)
Je l'ai lu il y a quelques années et je me rappelle avoir "aimé" mais par contre, il ne m'a pas vraiment marqué car si je me rappelle que c'était sombre comme ambiance, je n'en garde que peu de souvenirs !
RépondreSupprimer@Alex: Sans aucun doute. C'est tellement sans espoir et déprimant... Je me demande si Coetzee est vraiment dans cet état d'esprit.
RépondreSupprimer@Manu: Pas facile mais pas du tout trash. Il n'y a pas de descriptions horribles, c'est juste que l'histoire est percutante. En même temps, le ton du livre est assez froid donc on peut rester en retrait. Bref, une expérience à tenter.
@Gambadou: Je comprends tout à fait, ce n'est pas le genre de livre à lire sur la plage. Mais j'espère que tu lui donneras un jour sa chance.
@Bettina: C'est sûr, et cette fin... la déprime totale ;-)
@Keisha: Arf, désolée, les comm et blogger, c'est pas ce qu'il y a de mieux. J'ai vraiment retrouvé la mentalité des fermiers blancs rencontrés là-bas dans ce livre. De toutes les fermes du coin, celle où je suis restée était la seule qui n'avait jamais été attaquée parce qu'ils gardaient des lions et des caracals. Le proprio était perçu par certains "Africains" (comme le dit Coetzee) comme une sorte de sorcier qui parle aux lions. Mais tous les autres avaient été cambriolés, avec violence ou non, au moins une fois. Il y avait ensuite les résignés, qui cherchaient à vendre et ceux qui se barricadaient comme Ettinger dans le livre et qui tirent sur tout ce qui bouge. Le livre de Coetzee m'a donc vraiment semblé réaliste et la conclusion sans espoir en devient encore plus déprimante. Bon, j'arrête de raconter ma vie ;-) Bref, la liste du FT est vraiment à garder à l'oeil. Merci pour la référence et toujours un plaisir ces LC...
@Joelle: Ah oui, c'est vraiment "aimer" avec les guillmets ;-) Pas marquée, je suis assez étonnée même si je pense en effet que c'est l'ambiance qui va me rester le plus. A voir dans quelques mois.
Une lecture marquante, qui laisse des traces. c'est un roman fort !!!
RépondreSupprimerJe suis toujours intéressée pour découvrir les avis positifs sur des livres qui ne m'ont pas accrochée.
RépondreSupprimerJe suis restée en dehors, hermétique au personnage, voir révulsée. J'ai bien saisi la lucidité sur cette société, mais j'ai préféré sur ce thème Le mois des papillons, d'Ariella Kornmehl, très noir aussi, avec cependant une dimension poétique à laquelle j'ai été plus sensible.
@Hélène: J'approuve totalement les trois adjectifs que tu emploies ;-)
RépondreSupprimer@Géraldine: Les zones d'ombre du personnage sont justement ce que j'ai aimé dans le livre ;-) Ca aurait presque été trop facile d'avoir un personnage bien sympathique qui devient ensuite une victime avec laquelle on compatit. Là, j'ai trouvé que c'était plus subtil vu qu'on peine à avoir pitié de David. Je ne connaissais pas du tout Le mois des papillons, mais ça m'a en effet l'air très prometteur. Merci pour la référence.
Un roman que je dois lire depuis bien longtemps ! Merci de me le rappeler !
RépondreSupprimerUn roman qui est dans ma lal depuis bien longtemps ! J'adore ton avertissement ! J'en prends bien note !
RépondreSupprimer@Béné: Mais c'est un plaisir, surtout que ce livre ne mérite pas de prendre la poussière sur nos LAL ;-)
RépondreSupprimer@Theoma: Oui, sérieusement, à ne pas lire avant un voyage en Afrique du Sud et c'est déprime garantie à la fin du livre donc... Mais j'espère que tu trouveras le bon moment pour le lire.
J'ai un peu de mal avec Coetzee mais celui là je l'ai beaucoup aimé et comme tu le dis cela fait un effet de coup de poing
RépondreSupprimerSi tu n'as pas lu Gillian Slovo poussière rouge (christian bourgois) vas y tu aimeras je pense
Je l'ai fini depuis quelque temps ce challenge ; je ne savais pas qu'il durait encore.
RépondreSupprimerBonnes vacances !
@Dominique: C'est mon premier Coetzee mais j'ai déjà Boyhood dans ma PAL donc on verra bien. Concernant Poussière rouge, j'ai en fait vu le film, Red Dust, que j'avais beaucoup aimé. Je suis d'ailleurs toujours étonnée que ce film ne fasse pas plus parler de lui. J'ai bien envie de lire le livre un jour mais j'ai cru comprendre qu'il était publié en jeunesse?
RépondreSupprimer@Catherine: Et bien oui, le challenge de Theoma se finit à la fin juin si je ne me trompe. Heureusement d'ailleurs car je suis loin d'avoir des résultats très probants pour mes challenges. Qu'avais-tu lu?
Ah c'est sur que "Disgrâce" n'est pas le genre de roman à lire pour se donner la pêche ! ^^ La fin d'ailleurs démoralise un peu ! Très beau livre, lu trois fois, une fois en anglais et deux en français. Je m'en suis jamais lassée !
RépondreSupprimer@charmant petit monstre: Alala cette fin... Je me suis dit, allez, juste une petite note positive... mais non. Quelle déprime ;-) Mais c'est un très "beau" (je dirais plutôt grand) livre.
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