L'Immeuble Yacoubian d'Alaa El Aswany
Pour ceux qui aiment: La Belle du Caire de Naguib Mahfouz
Au coeur de la ville du Caire, tout un éventail de la société égyptienne cohabite derrière les murs de l'immeuble Yacoubian. On y croise à la fois les riches et puissants du Caire, à l'image de Zaki Dessouki, héritier d'une famille riche déchue et amoureux des femmes, d'Hatem Rachid, homosexuel et brillant journaliste et du hadj Assam, mais aussi les miséreux des cabanes de la terrasse dont la belle Boussaïna et le jeune et idéaliste Taha. Dans ce petit microcosmos, c'est toute l'Egypte qui défile avec ses espoirs déchus, la violence, la corruption, la poussée de l'islamisme mais aussi la soif de vivre et le désir d'avancer malgré les entraves.
Je suis décidément dans une bonne période de lecture car il s'agit là d'un deuxième coup de coeur pour ce mois de mars. J'ai en effet dévoré L'Immeuble Yacoubian que j'ai trouvé tout simplement passionnant. Alaa El Aswany nous offre un merveilleux instantané de la vie en Egypte au début du XXIème siècle, sous le régime de Moubarak. J'ai vibré avec tous ses personnages: j'ai souffert avec Soad, j'ai espéré avec Boussaïna, je me suis rebellée avec Taha et j'ai aimé avec Zaki. Certains avis lus parlent de personnages clichés mais j'ai au contraire trouvé la psychologie de chaque personnage bien travaillée et équilibrée. Aucun des habitants de l'immeuble Yacoubian n'est totalement blanc comme neige et tous font des concessions à la morale pour survivre. J'étais ainsi impatiente de retrouver, sans préférence aucune, chacun de ces héros, attachants parce que tellement humains.
Dernièrement, un article dont je vous parlais ici citait L'Immeuble Yacoubian comme un livre permettant de mieux comprendre la réalité d'un pays. Sans être une spécialiste de la société égyptienne, je partage, après lecture, cette affirmation. Alaa El Aswany décrit très bien l'infiltration de la corruption dans tous les secteurs, les jeunes qui se tournent vers l'extrémisme religieux par manque de perspectives futures, l'envie de liberté, de renouveau. C'est d'autant plus intéressant que cette jeunesse entravée c'est enfin soulevée pour mettre fin à un régime qui aura duré plus de 30 ans, contredisant ainsi ces mots d'un politicien corrompu du livre:
"Les gens naïfs croient que nous truquons les élections. Absolument pas! Le bon Dieu a crée les Egyptiens à l'ombre d'un gouvernement. Aucun Egyptien ne peut être en désaccord avec son gouvernement. Bien sûr, il y a des peuples qui se soulèvent et se révoltent mais, de tout temps, l'Egyptien a baissé la tête pour manger son morceau de pain. Tout cela est écrit dans l'histoire. Le peuple égyptien est le plus facile à gouverner de tous les peuples de la terre. Dès que tu prends le pouvoir, ils se soumettent à toi, ils plient devant toi, et tu peux faire d'eux ce qui te passe par la tête. N'importe quel parti au pouvoir, lorsqu'il fait des élections, est obligé de les gagner parce que les Egyptiens sont obligés de soutenir le gouvernement. Le bon Dieu les a créés comme ça." p. 113
Un instantané passionnant de la société égyptienne à l'heure de sa révolution. L'Immeuble Yacoubian est un roman émouvant et marquant, mettant en scène des personnages attachants avec leurs faiblesses, leurs erreurs et leurs espoirs d'une vie meilleure. Un roman brillant!
Construit en plein cœur du Caire dans les années 1930, vestige d'une splendeur révolue, l'immeuble Yacoubian constitue un creuset socioculturel très représentatif de l'Egypte du XXIe siècle naissant. Dans son escalier se croisent ou s'ignorent Taha, le fils du concierge, qui rêve de devenir policier ; Hatem, le journaliste homosexuel ; le vieil aristocrate Zaki, perdu dans ses souvenirs ; Azzam, l'affairiste louche aussi bigot que lubrique ; la belle et pauvre Boussaïna, qui voudrait travailler sans avoir à subir la convoitise d'un patron...
Témoin d'une époque, Alaa El Aswany pose, sans juger, un regard tendre sur des personnages qui se débattent tous, riches et pauvres, bons et méchants, dans le même piège, celui d'une société dominée par la corruption politique, la montée de l'islamisme, les inégalités sociales, l'absence de liberté sexuelle, la nostalgie du passé.
Mais ce roman n'aurait pas conquis un tel nombre de lecteurs dans le monde entier s'il se contentait d'évoquer l'Egypte au tournant du millénaire : en digne héritier d'un Dostoïevski comme d'un Zola ou d'un Mahfouz, c'est bien de l'homme que nous parle Alaa El Aswany, de ses vices et de ses faiblesses, de ses rêves et de ses échecs, et le miroir qu'il tend, pour indulgent qu'il soit, n'en est que plus effrayant.
Né en 1957, Alaa El Aswany exerce le métier de dentiste dans le centre du Caire. Après le succès phénoménal de l'Immeuble Yacoubian, porté à l'écran par Marwan Hamed, il vient de publier un nouveau roman: Chicago (Actes Sud, 2007).
Lecture commune faite avec Canel et L'Ogresse. Allez vite voir leurs billets. Pour ma part, j'ai maintenant très envie de découvrir les autres livres de cet auteur. Quelqu'un a lu Chicago?
EL ASWANY Alaa, L'Immeuble Yacoubian, ed. Actes Sud, coll. Babel, septembre 2007, 325p. traduit de l'arabe (Egypte) par Gilles Gauthier
EL ASWANY Alaa, Imrat Yaqubyan, 2004
Et bien tu viens de lire un de mes plus gros coups de coeur de ces cinq dernières années ! ;)
RépondreSupprimerSais-tu qu'il a été adapté au cinéma? J'en ai vu le DVD il y a quelques mois, superbe aussi.
Alors, bien entendu, j'ai lu Chicago dès sa sortie : c'est aussi un roman qui parle de la société égyptienne, mais vue par le prisme de l'immigration et ses difficultés d'intégration dans le monde occidental. Les personnages y sont très intéressants, mais n'y sont, je pense, nullement caricaturaux. Bref, une lecture que je te conseille aussi !
J'avais lu avec grand intérêt l'article de Courrier international grâce à toi, et j'ai eu la chance de pouvoir lire "le tigre blanc", cité également. Un chef d'oeuvre (billet demain). Merci
RépondreSupprimerJe le note et surligne!!!! je file lire les autre avis !
RépondreSupprimerUn roman que j'ai bien aimé, même si ce n'était pa sun coup de coeur.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup les romans de Naguib Mahfouz, et les romans égyptiens en général, mais je ne sais pourquoi, je joue une note discordante avec cet Immeuble Yacoubian qui ne m'a pas emballée... Peut-être pas le bon moment, tout simplement.
RépondreSupprimerUn roman que j'avais noté puis perdu de vue. Vos billets me redonnent envie de le découvrir !
RépondreSupprimerApres Yacoubian, Chicago me tente plutot !
RépondreSupprimerC'est vraiq que c'etait assez etrange de lire ce roman apres la 'revolution' egyptienne'...
Toi aussi tu es conquise ! Un très bon moment de lecture.
RépondreSupprimerReste à découvrir le film et d'autres ouvrages de cet auteur !
Merci pour cette LC !
Ah oui! Excellent ce livre. Je me souviens avoir mis du temps à me décider à le lire mais dès la première page, j'ai été absorbée par l'univers de ce roman fort!
RépondreSupprimerJ'ai lu aussi que c'était le roman qui pouvait aider à comprendre ce qui se passe actuellement dans le pays. J'aimerais bien arriver à le lire assez vite.
RépondreSupprimerJe me promets depuis longtemps de découvrir cet auteur qui prend la suite d'Albert Cossery et de Naguib Mahfouz pour une belle fresque historico-littéraire de ce pays.
RépondreSupprimerBon week-end british !
Il traîne depuis trois ans dans ma PAL je crois ! Il serait temps de l'en sortir !
RépondreSupprimer@Cécile: J'ai vu qu'un film en avait été tiré et tu me donnes très envie de le voir. Pareil pour Chicago, je suis curieuse de voir si l'auteur est resté sur sa lancée. Je te tiens au courant ;-)
RépondreSupprimer@Hélène: Je reviens tout juste de quelques jours de vac mais dès que je trouve une minute, je vais voir ton billet sur le Tigre blanc. Après cette très bonne lecture de L'immeuble Yacoubian, je vais définitivement m'intéresser de plus près à la liste de cet article, et le Tigre blanc est bien remonté dans ma PAL.
@Clara: Je pense vraiment qu'il pourrait te plaire.
@Alex: J'ai été complètement emportée par ce roman et je pense que le lire maintenant, parallèlement aux événements de l'Afrique du Nord a encore ajouté de l'intérêt.
@Kathel: Il me reste beaucoup à découvrir de Mahfouz et des autres auteurs égyptiens. Si le reste est encore mieux, ça promet de belles lectures. Je dois d'ailleurs toujours lire Taxi de Khaled Al Khamissi repéré chez toi ;-)
@Manu: J'espère qu'il te plaira autant qu'à moi ;-) C'est sympa en plus d'avoir un décor égyptien pour un roman, ça change...
RépondreSupprimer@L'Ogresse: C'est vrai que le timing était intéressant et je suis vraiment contente de l'avoir lu maintenant et pas dans 5 ans, quand on aura tous oublié Moubarak. Et pour Chicago, il doit être sorti en babel maintenant. S'il rejoint ta PAL, fais-moi signe ;-)
@Canel: Mon GR explose après ces quelques jours de vacances mais je file voir vos billets dès que je trouve une minute. Apparemment, L'immeuble Yacoubian nous a toutes conquises ;-) Et merci à toi pour cette LC, sans cela, ce livre aurait encore trainé un moment dans ma PAL alors que c'était justement passionnant de le lire maintenant.
@A Girl from earth: Je me rappelle de ton billet. En fait, l'Afrique du Nord m'attire moyen habituellement et ce livre avait bien des chances de poireauter dans ma PAL encore un moment. Vive les LC!
@Aifelle: Ca vaut vraiment la peine de le lire maintenant. J'espère que tu mettras la main dessus rapidement (comment ça, je te mets la pression ;-)).
RépondreSupprimer@Moustafette: Je ne connais pas assez Mahfouz pour dire si c'est mieux ou moins bien mais je pense qu'Alaa El Aswany vaut définitivement la découverte. Déjà de retour après mon week-end british... ahhhh, je me réjouis déjà du prochain ;-)
@Lou: Ce livre semble condamné à trainer dans les PAL alors qu'il mérite vraiment une lecture. N'hésite plus!
Je l'avais noté à sa sortie en poche... et j'ai complètement oublié de l'ajouter à ma pile... puis l'envie est passée. Tu es en train de me faire rechanger d'avis... again!
RépondreSupprimer@Karine:): Souvent femme varie ;-) Franchement n'hésite plus, il est vraiment très bien, en babel, se lit vite et est en plein dans l'actualité...
RépondreSupprimerUn très bon souvenir de lecture !
RépondreSupprimer@Noukette: Un livre qui, je crois, me marquera moi aussi sur le long terme.
RépondreSupprimerEncore un roman que je me promets de lire depuis sa sortie en broché. Ton avis ravive son souvenir et rallume l'envie, merci :-)
RépondreSupprimer@Stephie: Surtout qu'il mérite vraiment une lecture, surtout en ce moment. N'hésite plus!
RépondreSupprimerDans ma bibliothèque depuis... disons... 4 ans, je n'ai jamais eu l'envie de le lire alors que les critiques sont élogieuses. Mais se sont des billets comme le tien qui parfois donne envie de sortir un livre du placard. C'est décidé, "L'immeuble Yacoubian" rejoint ma pile sur ma table de chevet (place d'honneur pour mes livres car ils seront lus prochainement). Grâce à toi mon exemplaire de l'Immeuble a eu une promotion. Il te dit merci !
RépondreSupprimer@Charmant petit monstre: Un livre qui mérite définitivement de rejoindre ta table de chevet et je suis contente de l'y avoir aidé ;-) Par contre, quelques mois après ma lecture, je me rends compte que j'ai déjà pas mal oublié l'histoire de chaque personnage... moins marquant donc que Disgrace!
RépondreSupprimerEt voilà je l'ai lu ! J'avais un peu de temps devant moi donc je me suis attelée à la tâche ! Bilan : bien sans plus. J'ai mis le lien de ton billet dans le mien, pour mettre en avant les deux avis divergents !
RépondreSupprimer@charmant petit monstre: Je file voir ça.
RépondreSupprimerAh, l'immeuble Yacoubian, un roman lu en 3 jours en 2006 ou 2007 et j'ai vu le film adapté qui m'avait beaucoup plu: je conseille, recommande et plus encore. Bonne après-midi.
RépondreSupprimer@Dasola: Il faut vraiment que je mette la main sur ce film... Curieuse de voir le prochain roman de l'auteur après les événements en Egypte. J'ai lu une interview récente où il explique les raisons de son soutien au renversement de Morsi.
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