Noires blessures de Louis-Philippe Dalembert
Mamad est attaché à une chaise depuis trois jours et reçoit, impuissant, les coups de son patron, Laurent Kala, un Français expatrié. Mais quelle est la cause de ce déchainement de violence?
Louis-Philippe Dalembert revient tour à tour sur la vie de chacun des protagonistes: la dureté de l'enfance de Mamad, envoyé à l'école au prix de nombreux sacrifices et devenu ainsi l'espoir de toute une famille; celle de Laurent, fils d'un idéaliste tué durant une manifestation, qui soigne maintenant son mal-être en Afrique en s'occupant de chimpanzés. Deux parcours de vie qui vont tragiquement mener les deux protagonistes à cette confrontation, point de départ et fin de Noires blessures.
En commençant ma lecture, j'ai eu peur de lire un livre un peu simpliste sur le sujet du racisme et des relents du colonialisme en Afrique. Difficile en effet d'écrire un livre qui rende compte de la complexité des rapports entre Européens et Africains, teintés d'un lourd passé, et de liens de pouvoir encore souvent déséquilibrés. Je m'attendais au pire et c'est bien le meilleur auquel j'ai eu droit avec cette lecture.
Louis-Philippe Dalembert réussit l'exploit, en tant qu'auteur haïtien, de se mettre à la fois dans la peau de Mamad, Africain fier mais désoeuvré, candidat à l'exil avant de se retrouver boy d'expatriés; et de Laurent, Français, dont la haine du Noir n'a d'égal que l'indifférence éprouvée pour son pays d'origine et les soirées mondaines des expatriés. Deux personnages totalement opposés donc mais dont la psychologie et les aspirations sont parfaitement décrites par l'auteur.
Noires blessures est un récit très fort, sur la folie et le mal-être d'un homme, confronté à ses cauchemards à travers son boy. Un récit d'incompréhension également, entre deux hommes qui partagent pourtant la perte d'un père et le désir d'ailleurs. C'est un livre qui m'a vraiment interpellée car j'y ai trouvé un écho à quelques expériences vécues lors de mes séjours en Afrique. Je pense cependant que tout lecteur y trouvera une référence à ses espoirs et ses déceptions, faisant ainsi de Noires blessures un livre au décor africain mais à la portée universelle.
En plus de l'excellent portrait de deux hommes avec pour toile de fond un huis clos oppressant, j'ai découvert la plume forte agréable de Louis-Philippe Dalembert. Au final, une vraie bonne surprise et un livre qui me fera encore cogiter longtemps.
Mamad tente d'ouvrir les yeux, mais il n'y parvient pas. Ses paupières, gorgées de sel et de sang, refusent d'obéir à son cerveau. Un goût d'hémoglobine traîne sur ses lèvres sèches et bouffies. Le Blanc est méconnaissable. Une épaisse écume blanchâtre auréole les commissures de ses lèvres. Les veines de son cou tendues à se rompre. De grosses gouttes de sueur perlent sur son front, qu'il essuie du revers de sa manche retroussée, entre une calotte et une autre. Mamad n'a plus la force de crier. Du regard, il implore pitié. Mais le Blanc cogne tel un forcené, tout en crachant ses injures.
Laurent Kala, un Français expatrié, est employé par une ONG qui milite pour la protection des animaux en voie de disparition. Benjamin d'une famille nombreuse, Mamad White a connu une enfance difficile. Il a pensé un temps pouvoir échapper à sa condition précaire, mais le destin en a fait le boy de Laurent. Un fait apparemment banal entraîne le Blanc au bord de la folie. Le voilà, quelque part dans la jungle africaine, sur le point de tuer son domestique noir. Comment les deux hommes en sont-ils arrivés là ?
À la fois grave et plein d'humour, le roman de Louis-Philippe Dalembert dresse des portraits émouvants d'hommes et de femmes accrochés à leur humanité, au milieu des relents de racisme et de colonialisme.
Louis-Philippe Dalembert est né à Port-au-Prince en 1962. Romancier, nouvelliste, poète et essayiste, cet ancien pensionnaire de la villa Médicis a publié notamment L'autre face de la mer (prix RFO), Rue du Faubourg-Saint-Denis et Les dieux voyagent la nuit (prix Casa de las Americas).
J'ai beaucoup de peine à parler de ce roman qui, je pense, résonnera de manière différente pour chaque lecteur. Je vous invite donc à lire l'interview de l'auteur et l'avis de Liss et je remercie Babelio pour cette nouvelle belle découverte.
DALEMBERT Louis-Philippe, Noires blessures, ed. Mercure de France, janvier 2011, 222p.
Louis-Philippe Dalembert revient tour à tour sur la vie de chacun des protagonistes: la dureté de l'enfance de Mamad, envoyé à l'école au prix de nombreux sacrifices et devenu ainsi l'espoir de toute une famille; celle de Laurent, fils d'un idéaliste tué durant une manifestation, qui soigne maintenant son mal-être en Afrique en s'occupant de chimpanzés. Deux parcours de vie qui vont tragiquement mener les deux protagonistes à cette confrontation, point de départ et fin de Noires blessures.
En commençant ma lecture, j'ai eu peur de lire un livre un peu simpliste sur le sujet du racisme et des relents du colonialisme en Afrique. Difficile en effet d'écrire un livre qui rende compte de la complexité des rapports entre Européens et Africains, teintés d'un lourd passé, et de liens de pouvoir encore souvent déséquilibrés. Je m'attendais au pire et c'est bien le meilleur auquel j'ai eu droit avec cette lecture.
Louis-Philippe Dalembert réussit l'exploit, en tant qu'auteur haïtien, de se mettre à la fois dans la peau de Mamad, Africain fier mais désoeuvré, candidat à l'exil avant de se retrouver boy d'expatriés; et de Laurent, Français, dont la haine du Noir n'a d'égal que l'indifférence éprouvée pour son pays d'origine et les soirées mondaines des expatriés. Deux personnages totalement opposés donc mais dont la psychologie et les aspirations sont parfaitement décrites par l'auteur.
Noires blessures est un récit très fort, sur la folie et le mal-être d'un homme, confronté à ses cauchemards à travers son boy. Un récit d'incompréhension également, entre deux hommes qui partagent pourtant la perte d'un père et le désir d'ailleurs. C'est un livre qui m'a vraiment interpellée car j'y ai trouvé un écho à quelques expériences vécues lors de mes séjours en Afrique. Je pense cependant que tout lecteur y trouvera une référence à ses espoirs et ses déceptions, faisant ainsi de Noires blessures un livre au décor africain mais à la portée universelle.
En plus de l'excellent portrait de deux hommes avec pour toile de fond un huis clos oppressant, j'ai découvert la plume forte agréable de Louis-Philippe Dalembert. Au final, une vraie bonne surprise et un livre qui me fera encore cogiter longtemps.
Mamad tente d'ouvrir les yeux, mais il n'y parvient pas. Ses paupières, gorgées de sel et de sang, refusent d'obéir à son cerveau. Un goût d'hémoglobine traîne sur ses lèvres sèches et bouffies. Le Blanc est méconnaissable. Une épaisse écume blanchâtre auréole les commissures de ses lèvres. Les veines de son cou tendues à se rompre. De grosses gouttes de sueur perlent sur son front, qu'il essuie du revers de sa manche retroussée, entre une calotte et une autre. Mamad n'a plus la force de crier. Du regard, il implore pitié. Mais le Blanc cogne tel un forcené, tout en crachant ses injures.
Laurent Kala, un Français expatrié, est employé par une ONG qui milite pour la protection des animaux en voie de disparition. Benjamin d'une famille nombreuse, Mamad White a connu une enfance difficile. Il a pensé un temps pouvoir échapper à sa condition précaire, mais le destin en a fait le boy de Laurent. Un fait apparemment banal entraîne le Blanc au bord de la folie. Le voilà, quelque part dans la jungle africaine, sur le point de tuer son domestique noir. Comment les deux hommes en sont-ils arrivés là ?
À la fois grave et plein d'humour, le roman de Louis-Philippe Dalembert dresse des portraits émouvants d'hommes et de femmes accrochés à leur humanité, au milieu des relents de racisme et de colonialisme.
Louis-Philippe Dalembert est né à Port-au-Prince en 1962. Romancier, nouvelliste, poète et essayiste, cet ancien pensionnaire de la villa Médicis a publié notamment L'autre face de la mer (prix RFO), Rue du Faubourg-Saint-Denis et Les dieux voyagent la nuit (prix Casa de las Americas).
J'ai beaucoup de peine à parler de ce roman qui, je pense, résonnera de manière différente pour chaque lecteur. Je vous invite donc à lire l'interview de l'auteur et l'avis de Liss et je remercie Babelio pour cette nouvelle belle découverte.
DALEMBERT Louis-Philippe, Noires blessures, ed. Mercure de France, janvier 2011, 222p.
Je lis plus ces derniers temps sur l'Afrique du Sud, mais malheureusement, le racisme ne connait pas de frontières... je note ce titre.
RépondreSupprimerJe l'ai lu il y a quelques jours et j'ai vraiment beaucoup apprécié ce titre. Mon billet sera en ligne la semaine prochaine.
RépondreSupprimerVoilà un sujet difficile, et si ce roman le traite plutôt bien, alors je note.
RépondreSupprimerUn sujet bien trop dur pour moi pour l'instant... Et puis, c'est un livre qui me mettrais bien trop en colère...
RépondreSupprimerTon billet est vraiment bien pensé et écrit. Voilà donc un bon livre !
RépondreSupprimer@Ys: C'est un livre assez psychologique qui, je pense, pourrait te plaire. Et l'Afrique du Sud, chouette, il faut que j'aille lire tes billets ;-)
RépondreSupprimer@Stephie: Je me réjouis de le lire. Franchement, je n'attendais pas grand chose de ce livre et au final, il m'a vraiment interpelée. Objectif réussi pour l'auteur!
@Alex: Sujet difficile en effet et Dalembert en a fait un roman très fort. Le sujet est traité de manière intelligente en évitant les raccourcis un peu faciles, genre tous les blancs sont des racistes.
@L'or des chambres: Je comprends, même si plus que de la colère, ce livre fait réfléchir et pousse à la réflexion.
@Marie-Adélaïde: Merci, surtout que j'ai eu terriblement de peine à écrire ce billet. Ce livre m'a fait vraiment cogiter mais je ne pouvais pas mentionner toutes les réflexions qu'il a provoquées en moi. J'espère en avoir dit assez pour te donner envie...
Je m'étais proimis de guetter ton billet, mais tu vois, les semaines sont passées. Je te remercie pour le lien vers ma critique. Je suis contente de voir que tu as également apprécié cette lecture...
RépondreSupprimer@Liss: Dur dur de suivre tous les billets. Vraiment une belle lecture pour moi aussi ;-)
RépondreSupprimer