L'Argent d'Emile Zola


NOTE: 8/10
Pour ceux qui aiment : La devise qu’il faut connaitre le passé pour comprendre le présent.

Le style très "langage parlé" de Joey Goebel m’avait donné envie de me plonger dans un bon classique de la littérature française. Etant une fan inconditionnelle de Zola, c’est tout naturellement vers lui que je me suis tournée. L’Argent, un thème d’actualité en ces temps de remous économiques, s’est imposé de lui-même.

Publié en 1891, L’Argent est le dix-huitième roman de la série des Rougon-Macquart (qui en compte vingt). On retrouve dans ce roman le personnage de Saccard, qu’on avait découvert dans La Curée. L’histoire relate l’ascension, puis la ruine de la Banque Universelle, créée par Saccard, dans son désir toujours renouvelé de pouvoir et de richesse. Un personnage vraiment fascinant, qui va mener à la ruine de sa banque mais reste persuadé, malgré tous les échecs, de pouvoir encore gagner. Zola s’est largement inspiré de deux scandales financiers de l’époque, celui de la Caisse générale des chemins de fer, créée par Jules Mirès et la faillite de l’Union Générale en 1881.

D’autres éléments du récit m’ont fascinée. A commencer par le ton assez antisémite du récit qui critique ouvertement la main-mise juive sur la banque française. Le personnage de Gundermann, qui contribue à la chute de Saccard, est d’ailleurs inspiré de James de Rothschild. Zola est, dans ce récit, influencé par la pensée de son époque, et on peut se réjouir que l’Affaire Dreyfus a eu raison de ses opinions antisémites. L’autre élément qui enrichit ce récit sur le monde de la bourse est la présence de Sigismond et de ses théories marxistes. On sent la curiosité de Zola pour ces idées révolutionnaires. Il est, je trouve, difficile de nos jours, après l’échec de l’URSS, d’imaginer l’espoir ou au contraire la peur que suscitaient ces théories à l’époque de leur publication dans le Capital, en 1867.
Enfin l’Argent, dont l’action est située sous l’Empire, dans les années qui précédent la guerre Franco-Prussienne de 1870, m’a permis de rafraichir mes connaissances historiques de cette période. L’idée d’une banque au service de la papauté avec pour but final d'installer le Pape à Jérusalem (nous sommes en pleine création de l'Italie et les états papaux sont menacés) m’a fait sourire. Je n’ose imaginer la pagaille que cela aurait créé, considérant la situation actuelle déjà suffisamment complexe.

En conclusion, ce livre décrit très précisément le fonctionnement de la bourse et de la folie spéculative, et reflète à merveille les idées qui avaient cours à cette époque. Un drame principal qui engendre de nombreux drames personnels (on est dans un Zola tout de même). Les livrets explicatifs de l’édition Folio sont également très enrichissants. Ce n’est cependant pas mon Zola préféré. Cette place est toujours occupée par Au Bonheur des Dames, comme 70% des personnes ayant participé au sondage de ce site (viennent ensuite Germinal avec 20% et Nana 10%). L’Argent est aussi criant d’actualité; il est inquiétant de voir que le passé se répète encore et encore, que les gens font toujours confiance aux banquiers qui promettent des gains surréalistes (Saccard, ancêtre littéraire de Madoff) et que la bourse s’affole toujours de la même manière, artificiellement, jusqu’à l’explosion de la bulle spéculative et la ruine de milliers de personnes.

Alors, pendant la dernière demi-heure, ce fut la débâcle. Après l’extrême confiance, l’engouement aveugle, arrivait la réaction de la peur, tous se ruant pour vendre, s’il en était temps encore. Les cours, de chute en chute, tombèrent à 1500, à 1200, à 900. Il n’y avait plus d’acheteurs, la plaine restait rase, jonchée de cadavres. Au-dessus du sombre grouillement des redingotes, les trois coteurs semblaient être des greffiers mortuaires, enregistrant des décès. Un silence effrayant régna, lorsque, après le coup de cloche de la clôture, le dernier cours de 830 francs fut connu. Et la pluie entêtée ruisselait toujours sur le vitrage ; la salle était devenue un cloaque, sous l’égouttement des parapluies et le piétinement de la foule, un sol fangeux d’écurie mal tenue.

L’Argent, Emile Zola, ed. Folio/Gallimard, 1980, 497pp

Commentaires

  1. Ah Zola ! J'ai lu les R-M dans l'ordre, un pur régal !

    RépondreSupprimer
  2. J'ai toujours voulu relire toute la série dans l'ordre, pour bien me rappeler les liens entre les personnages. Mais je crois que ma PAL exploserait si je me lance. Peut être quand je serai à la retraite dans de nombreuses années ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Libre tres ennuyeux ou on connait l'histoire au bout de 20 pages.

    RépondreSupprimer
  4. @Loliny: Pour moi, c'est justement parce que l'issue est si prévisible que le livre est fascinant.

    RépondreSupprimer
  5. Je commence L'Argent...
    Je sais pas si je vais vraiment aimer: pour l'instant c'est assez ennuyeux et on sait pratiquement toute l'histoire.

    RépondreSupprimer
  6. @ Marie: C'est vrai que l'histoire est assez prévisible. En même temps, c'est le cas dans presque tous les Zola. Mais j'ai pour ma part beaucoup aimé la psychologie des personnages et leur acharnement à croire en leur victoire.

    RépondreSupprimer
  7. Ah oui, j'adore les RG! Et je suis si contente que tu en parles ici. J'ai adoré 'Une page d'amour', dont on ne parle jamais.

    C'st quoi PAL, que vous mentionnez souvent? Bibliothèque?

    RépondreSupprimer
  8. @Sophie: En effet, je n'ai jamais entendu parler d'"une page d'amour" et je vais m'empresser d'aller voir ça de plus près. PAL est le diminutif de Pile A Lire, les livres qui attendent sagement dans ma bibliothèque en attendant d'être lus et ils sont malheureusement très très nombreux ;-) En passant, LAL veut dire Liste A Lire, livres notés comme intéressants mais pas encore achetés.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Code Salamandre de Samuel Delage

Der Besuch der alten Dame (La visite de la vieille dame) de Friedrich Dürrenmatt

Rosa dolorosa de Caroline Dorka-Fenech